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Primavera : il faut toujours un hiver pour bercer un printemps..Primavera : it always takes a winter to rock a spring

Focus

Il y a un siècle, Primavera (1912-1972), l'atelier de création du grand magasin du Printemps, cherchait à éreinter les frontières enserrant l'art académique en insufflant un vent nouveau sur l'approche de l'art céramique. 

En 1924, son fondateur, René Guilleré (1878-1931) adressait au public sa fameuse Lettre à l'amateur de céramique.
Devenue introuvable, la voici partagée en intégralité dans la seconde partie de ce focus.
100 ans après sa parution, sa relecture semble intéressante, car au-delà du style et du vocabulaire inscrit dans son époque et son milieu social, demeure 
dans ce texte un esprit  où vibre une passion véritable pour la terre et une aspiration à un nouveau régime artistique, plus libre, plus ouvert et nourrit du respect des manières de penser non-occidentales, à rebours du contexte colonial de son époque.


En contrepoint au partage inédit de ce texte intrigant, la galerie stimmung est heureuse de présenter une sélection de six œuvres à même de raconter six voix que Primavera permettait alors de faire entendre, six voies que 
Primavera permettait alors d'arpenter.
 

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Récit par Augustin David ©galerie stimmung 
Photographies des œuvres par Léang Seng



« Le plus grand luxe redeviendra la sobriété, la clarté, les purs et rationnels horizons. » Arsène Alexandre (in La Renaissance de l'art français et des industries de luxe, 1918)

 


Important vase en grès par Madeleine Sougez pour Primavera, France (vers 1922-23)


Notre chemin commence à la rencontre d'un vase remarquable dessiné vers 1922-23 par celle qui est alors responsable -directrice artistique dirait-on aujourd'hui- de l'atelier Primavera, Madeleine Sougez (1891-1945).
Artiste éclectique, amie et condisciple de René Buthaud, qu'elle fera bientôt venir à la fabrique du Printemps de Sainte-Radegonde comme conseiller technique, Sougez marque les début de Primavera en insufflant un élan et une variété de regard unique pour l'époque. On lui doit, certains des attachants modèles réalisés en Alsace à Soufflenheim pour Primavera, certains des vases d'inspiration persane produits en grès en Touraine mais aussi les remarquables vases à décor moderniste décorés à l'engobe qui servirent de couverture au catalogue de mon exposition de 2015. C'est elle qui fait du cirque un élément du répertoire de Primavera jusqu'à son passage de relais à son départ de Primavera en 1928.
Ce vase que nous présentons aujourd'hui est une merveille à tous point de vue; sa forme, un profil balustre poussé dans ses limites, est une citation des poteries anciennes de la Chine. L'épaulement est fortement souligné, et dessine une surface presque plane sur laquelle se répandent quatre grosses pastilles qui rythment la surface, réminiscences des passants qui ornaient les jarres anciennes. Produit dans la fabrique de Sainte-Radegonde en Touraine, ce vase est une hybridation féconde entre un présent avide de beauté et un passé millénaire, il résonne comme un formidable passager clandestin de son présent Art Déco : On peine à saisir l'espace-temps où il s'inscrit et à bien y regarder, c'est la cosmologie chinoise qui est mobilisée à son endroit, la calotte de son épaule est comme la terre dont les quatre points cardinaux sont figurés, la panse est une rotondité forte évoquant le ciel. La base, étroite, solide, stable est comme l'union des deux espaces primordiaux. 
N'y voyez nullement une fantaisie de ma part, tout dans ce vase évoque cette connivence à la céramique chinoise, au-delà de la forme qui sera régulièrement reprise dans l'empire du milieu jusqu'aux poteries dite de Martaban sous les dynasties Ming et Qing, la couverte est une citation elle-aussi. Ce remarquable nappage fait cohabiter violine, aubergine, lie de vin, teintes qui marquèrent les fours de Jingdezhen sous la dynastie Qing. La couverte inonde la forme, elle en souligne le dessin, en magnifie les surfaces, elle vibre de la cuisson, appesantie, elle glisse et caresse les surfaces en nourrissant nos surprises de regardeurs. On y décèle de subtils teintes crème, des bleus flamboyants, des rouges éteints, des sursauts de manganèse, rien n'y est figé, le feu semble encore lécher la pièces qui étincelle, qui ruisselle, comme en une vaine tentative de fixer la liquidité de la fusion : magie du feu.

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Vase boule moderniste par Paul Jacquet pour Primavera, France (vers 1922-23)


L'atelier Primavera n'a pas toujours produit seul ses pièces céramiques. En effet dans l'esprit de ses premiers animateurs René Guilleré et Charlotte Chauchet, Primavera articulait la double ambition de faire advenir une production novatrice, aux prises avec l’esthétique de son présent en imaginant directement des œuvres pour ses propres circuits de production (Sainte-Radegonde notamment) mais mobilisait également certaines figures stimulantes de la scène céramique française d'alors.

Ainsi de Paul Jacquet (1883-1968), installé à Annecy et rénovateur de la terre vernissée savoyarde à ce quart temps du vingtième siècle. Sa démarche est passionnante, fièrement attaché à la production régionale séculaire de Savoie, le potier est rapidement remarqué à Paris pour la sûreté de son geste, la beauté simple de ses motifs réalisés au barolet (une sorte de poire) et la gamme sourde et pleine de tendresse de ses couleurs. Comme tous les potiers en terre vernissée, Jacquet mobilise la terre, seule une couverte transparente vitrifie et souligne une gamme colorée composée intégralement de terre aux teintes naturelles ou colorées d'oxydes. Le potier peint littéralement avec de la terre des motifs simples, souvent géométriques, qui ne cherchent plus tant à "faire décor" qu'a épouser la forme pour la souligner, la révéler, la magnifier.
À peu près à la même époque, Jacquet est triplement sollicité sur la scène parisienne: outre sa collaboration discrète à quelques rares modèles de Primavera, il est le praticien de Francis Jourdain et de René Herbst, les décorateurs phares de l'UAM (Union des Artistes Modernes). Tous ont vu dans sa manière une expression mise à jour des grand principes de l'Arts & Crafts, ou plus largement des clefs de compréhension du mouvement de renouveau des arts décoratifs. L'attention qu'il mobilise, loin de constituer un paradoxe, s'explique car ces "modernes" sentent que la redécouverte de folklores locaux, anciens, démocratiques et simples sont des nécessités pour penser une modernité alternative affranchie du possible tropisme productiviste. Que ce soit Jourdain ou Guilleré, on sent bien à Paris que Jacquet a un souffle entre les mains. Son art est l’expression qu'une autre modernité réelle peut rimer avec l'élan populaire, que ça n'est pas seulement l'avènement de la machine, du futur design et de la production industrialisée qui permettront d'autres respirations mais bien au contraire, comme commence à le penser certains esprits, un mouvement de concentration autour de la question de "l'art populaire". C'est bien à partir de ce constat que la gauche organisée autour de Jean Giono prend de l'ampleur au fil de la décennie suivante avant d'être balayée par la vague fasciste de la collaboration vichyste et la récupération opportuniste de ses thèmes. C'est la génération des nouveaux bornois qui réactivera cette approche dans l'immédiat après-guerre.
Cet humble vase est une balise d'un tel élan à l'œuvre en ce début des années 1920, il est un jalon essentiel, un rare et simple exemple de ce bel esprit mais aussi des espaces multiples, polymorphes que Primavera arpentera à partir de cette intuition.

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Coupe / plat mural moderniste par Claude Lévy pour Primavera, France (vers 1924)

Notre périple continue en regardant avec attention une pièce contemporaine du discours de René Guilleré. Un plat "d'apparat", plat mural ou coupe vide-poche dessiné vers 1924 et qui traduit une approche nouvelle de la céramique dans ce moment Art Déco. Une variante présentant un aplat grisé a été présentée à l'exposition Céramiques de l'Atelier Primavera 1912-1960, imaginée en 2015 sous la coupole du magasin du Printemps avec mon complice Jean-Louis Gaillemin. Elle est l'œuvre d'une figure légendaire et pourtant trop méconnue de l'Atelier Primavera: Claude Lévy. Claude Lévy (1895-1941), souvent présentée à tort comme un homme est en réalité une femme. Dans les documents d'époque, l’atelier insiste sur le qualificatif "Mademoiselle" et appose un tiret qui semble distinguer parfois Claude comme n'étant pas un prénom mais plutôt une partie du patronyme. Celle qui s'appelle en réalité Germaine Claude Lévy, lorsqu'elle imagine ce modèle superbe, est une actrice centrale de la première mouture de Primavera. René Guilleré et son épouse Charlotte Chauchet ont rassemblé autours d'eux une première équipe où s'active aussi Madeleine Sougez, Sigismond Olesiewicz, Marcel Guillemard, Edouard Chassaing, Louis Sognot ou encore Paule Petitjean. Claude Lévy est une femme émancipée de presque trente ans, elle imagine pour l'atelier des modèles très novateurs qui  insufflent à la création de Primavera un style inédit. Marqué par le modernisme, elle se nourrit des ballets russes de Serge Diaghilev (1872-1929), du répertoire formel moderniste -formes géométriques et thèmes contemporains- pour imaginer des pièces qui marqueront l'avènement du style Primavera.
Ce plat produit par la fabrique tourangelle de Sainte-Radegonde acquise par le Printemps est un de ces grès remarquables qui témoigne de l'élan de Claude Lévy. Un décor de formes simple -disques, droites et courbes- s'articulent harmonieusement au sein du "vide" d'une large surface blanche formée de la couverte craquelée chère à cet atelier. L'ensemble de la composition, délicatement composé en rouge et bleu, est très équilibré; avec le recul on y décèle l'esprit d'un moment dans lequel Primavera se donnait la tache ambitieuse d'incarner le renouveau d'une céramique d'art industrielle moderniste.

Une variante de la pièce est reproduite dans le catalogue de l'exposition Augustin David, Jean-Louis Gaillemin, Céramiques de l'Atelier Primavera 1912-1960, Éd. Le Passage, Paris, 2015, pp. 35 & 110, ainsi que dans l'ouvrage d'Alain-René Hardy et Gérard Tatin, Primavera, l'Atelier d'art du Printemps, 1912-1972, Éd. Faton / Vingtième Plus, Paris, 2014 p. 343 qui sert d'assise à la collection Héritage Printemps.

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Vase moderniste "bleu egyptien" par Primavera,
France (vers 1924-25)


Restons aux alentours de 1924-25 : Primavera dévoile chaque année de nouveaux modèles stupéfiants, articule plusieurs esprits et rayonne déjà d'une légende en construction. La phase la plus marquante de Primavera est lancée depuis quelques années déjà et va écrire pas à pas une histoire remarquable dont il demeure à documenter certains pans importants.
Ainsi, le vase dont il est question ici garde encore son secret. Il porte la marque "VF" non identifiée à ce jour. On connaît bien quelques modèles de même fabrication, d'aucuns marqués "VF" seul comme le nôtre, d'autre sont eux marquées "VF Primavera (France)", encore certains "Rosalba Primavera France". D'aucuns y voient la production de l'atelier de Francis Bischoff...
Eut égard à l'usage caractéristique de cet émail bleu d’Égypte singulier, on peut légitimement arguer que l'ensemble de cette production relève d'une même manière. S'agit-il d'un atelier travaillant pour Primavera où d'une manière singulière au sein de la fabrique de Sainte-Radegonde avec laquelle plusieurs aspects plastiques concordent? À ce stade cette question demeure encore un mystère.
Est-ce vraiment ce qui importe? Si notre désir de comprendre, d'identifier est souvent un moteur légitime, nous devons être plus conséquent et penser, comme je le rappelle régulièrement ici, les qualités réelles de la chose elle-même. 
À tenter l’entreprise ici, on verra que la forme de cette œuvre est une merveille d'équilibre, la manière délicate dont la base soulève la forme, le rapport harmonieux des dimensions, tout semble concourir à dessiner un vase d'une facture remarquable.
Pour ne rien gâcher de ce dessin équilibré, la forme est soulignée par un décor simplissime qui évoque ce mystérieux bleu rappelant les faïences égyptienne, brillantes et d’un éclat vif, épais, retrouvées dans les tombes des dignitaires de la fin du Moyen Empire. Ce turquoise fameux est ici revisité dans ce qu'il a de plus stimulant, finement craquelé, il semble voiler la terre sans la cacher, sans la dissimuler. Il joue de sa translucidité pour la magnifier. Sa silhouette évoque aussi le bleu perse, la richesse insondable de cette quête du bleu qui essaimera dans toute l'histoire de l'art du champ céramique jusqu'au bleu céleste inventé par Jean Hellot à Vincennes (futur Sèvres) en 1752.
Ici, enfin, vibre le mariage sublime du bleu cuivreux de la surface avec le bleu de cobalt qui en embrasse le col. Le mélange des teintes accouche d'un faux noir d'un belle profondeur qui fuse délicatement à la rencontre du bleu turquoise comme par un évanescent secret de la matière.

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Large coupe / plat mural moderniste par Félix Gête & C.A.B. pour Primavera, France (vers 1925-30)


Parmi les productions le plus reconnues de Primavera figurent la collaboration avec la fabrique CAB, Céramiques d'Art de Bordeaux, sise à Caudéran en Gironde. Inaugurée en 1919 au sortir de la grande guerre, cette collaboration commencera par une sous-traitance proposant des grès flammés et se poursuivra jusqu'en 1939 avec une production spécifique sous la houlette de Félix Gête (1870-1959), directeur technique d'alors. C'est à l'antiquaire Anne-Sophie Duval que l'on doit d'avoir attiré l'attention sur cet angle particulier de Primavera, lorsqu'en 2013, après son décès, la galerie guidée par sa fille présenta l'ensemble patiemment rassemblé par l'antiquaire durant sa vie.
S'y déployait de sublimes ensembles très caractéristique des diverses productions de CAB pour Primavera, notamment les remarquables décors à l'émail blanc craquelé sur réserve où la terre laissée apparente entre en dialogue avec la couverte pour magnifier la forme et célébrer son volume.
Notre plat est un exemple insigne de cette production singulière et novatrice qui fera le succès collectif de cette collaboration. Nous sommes entre 1925 et 1930, ce vocabulaire a commencé à s'épanouir. CAB rivalise d'inventivité en déclinant le principe de l'émail blanc sur terre ou parfois sur terre passée au brou de noix. Parfois l’émail est projeté, d'aucuns y saisissent une manière anticipant les éclaboussures de l'action painting, pour ma part j'y vois aussi une découverte de la liberté de l'art de l'encre en Orient, chaque pièce est unique, résonne, dit le geste et la tonalité du moment de la création. D'autres fois, le vocabulaire est plus cadré, déplié, ici une bande, là une coulure, là un dripping, parfois une combinaison.

Dans ce plat, le geste est encore différent, l'ensemble de la surface est recouverte d'émail mais, par un subtil travail de reprise sur l'émail cru pulvérulent, un réseau réticulé apparait, comme une conséquence sublimée des rétractations qui effraient habituellement le potier. L'émail a été posé par larges aplats de pinceaux disposé en arcs enchevêtrés les uns dans les autres à la manière des
vagues du motif japonais Seigaiha 青海波 évoquant traditionnellement le calme et la sereine tranquillité de la mer. Ensuite, l'émail a été "buriné" par un système de pois aléatoires qui laissent deviner, ou parfois clairement voir et sentir, la terre qui l'accueille. L'ensemble aboutit à une vibration unique, on sent le geste manuel mais la main disparait au bénéfice d'un rythme, d'une vibration qui dit à sa façon la modulation du monde, le bruit de la terre.
Au revers, l'émail est généreux, pâteux, finement craquelé, il donne une assise, une pesanteur qui permet à la légèreté de l'avers d'être ressentie.
Un chef-d'œuvre d'un monde révolu.

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Remarquable vase par Colette Gueden pour Primavera, France (vers 1945-50)


L'ultime étape de notre traversée convoque celle dont le nom est durablement associé à une autre heureuse époque de Primavera : Colette Gueden (1905-2000). Si cette figure nécessite encore d'être éclairée convenablement, rappelons néanmoins ici qu'elle fut d'abord, à partir de 1927, une des collaboratrices de René Guilleré prenant la suite des premières figures tutélaires que furent Madeleine Sougez, Paule Petitjean et Claude Lévy. À la mort de Guilleré en 1931, Gueden gagne probablement en importance, mais c'est seulement à partir de 1934 que son nom est véritablement mis en avant par Primavera lors du Salon des Artistes Décorateurs. Peu à peu, Gueden imprime sa marque, la voix de Primavera chante autrement sous son influence et les approches qui avaient fait le succès de l'Atelier de création durant le faste de l'Art Déco se recomposent autrement.
Colette Gueden va tourner volontairement son attention vers un nouveau centre de production qui satisfait davantage à ses attentes esthétiques que les anciens partenaires, la fabrique maison, à Sainte-Radegonde ou celle du sous-traitant CAB à Caudéran. Colette Gueden renforce ainsi son implication sur le site de la manufacture de Saint-Leu-la-forêt non loin de Paris, où elle trouve un contexte porteur, attentif à ses envies et aux possibilités techniques ambitieuses qu'elle entend mobiliser.
Le vase que la galerie stimmung présente aujourd'hui est un des chefs-d'œuvre que Gueden a pu imaginer dans cet atelier à sa mesure. Nous sommes dans la fièvre de la Libération, Primavera, comme toute la scène artistique, a été violemment marqué par la guerre, d'anciens animateu.rices de l'atelier sont décédé.es, le monde au sortir du conflit n'est plus celui qu'il était, un présent a produit l'horreur. Certain.es cherchent à rompre avec un Occident qui malgré les déclarations pacifistes de bon ton, fait mine d'ignorer ce qu'il a engendré et laissé être. Les résonances sont violentes pour une jeunesse pour laquelle il y a un besoin impérieux d'imaginer de nouvelles formes de vie propres à orienter durablement un autre être-au-monde.
La séquence se mobilise à plusieurs allures, d'une part, ceux qui viennent de traverser la guerre doivent réapprendre à vivre sans cette urgence qui, au-delà de sa violence, marque du seau du vrai la quotidienneté. Il y a un demain à organiser.
Symboliquement aussi, s'il s'agit de continuer à vivre, se pose la question d'un comment ? Les expériences sont nombreuses, autant que les motivations qui les suscitent, certains aspects semblent particulièrement saillants pour ce qui concerne les artistes. Certains imaginent une rapport nouveau à la création: cette communauté inventive -une partie de celles et ceux qui se croisent dans les ateliers des Beaux-Arts ou dans la rue- hume que c'est dans une vie simple que s'animera leur espoir d'une pratique qui donne sens à la vie en tenant ensemble l'être et le faire. Ils choisissent d’engager leur propre subjectivité dans une quotidienneté dont ils ne connaissent ni ne peuvent prévoir les conséquences. L’outil qu’utilise le mouvement est le plus efficace : celui de la transformation du quotidien. Beaucoup préféreront pour ce faire le défi des arts décoratifs, le souffle de l'usage contre l'immobilisme et les mondanités du cénacle culturel qu'alimente l’idéologie des Beaux-arts. 
Colette Gueden est à cheval sur ces deux mondes, quand la persistance des années 1940 voyait encore le triomphe des décorateurs, du goût à la française, bourgeois et distingué, Gueden plonge dans la décennie suivante, elle regarde les tendances européennes, consciente que l'atelier Primavera n'est plus le conservatoire de renouveau des régionalismes qu'il fût pourtant avec passion jusque-là, mais l'imagine dorénavant comme un espace de création qui doit rivaliser avec ce qui existe de meilleur dans l'Europe céramique.
Notre vase est l'écho précis de cette piste qui aboutira au style Gueden des années 1950. À St-Leu, Gueden peut penser un style d'aujourd'hui pour une jeunesse urbaine en quête de nouveau horizon plastiques et sensibles. Dans le sud de la France, Vallauris se réveille sous l'impulsion de la collaboration Madoura-Picasso et des nouveaux arrivants, Capron, Picault, Derval, Gilbert et Lilette Valentin ou la bande de l'atelier du Tryptique: Francine Delpierre, Albert Diato et Gilbert Portanier. À Accolay en Bourgogne, une communauté invente de nouvelles manière de faire vivre la poterie populaire en se libérant de la domination parisienne. Dans le creuset de La Borne, une nouvelle génération repense le grès et le rapport vital à l'écosystème-Terre sous l'influence des époux Jacqueline & Jean Lerat, d’Élisabeth Joulia, de Vassil Ivanoff, et bientôt d'un remarquable vivier de potiers nourris de radicalité.
Alors comment faire exister Primavera, encore et toujours? Dans ce vase, on saisit avec acuité la passation entre deux époques, tandis que la forme remarquable prête allégeance à la tradition de Primavera hérité des années 1930-40; une sublime et rigoureuse proportion où un bilobé, frais et sûr de lui, tend sa ligne en écho rénové aux flammées des années 1920 et aux formes très dessinées de l'époque CAB; le décor émaillé s'enroule en une large frise richement émaillée, ruisselante, où se fondent le fameux vert Primavera, un vert antique imaginé auprès de CAB dans les années 1930 et les nouveaux horizons visibilisés par Gueden. La jubilation de la Libération doit apparaitre, le ludique du nouveau monde s'exprimer : le feu revendique ses droits, l'émail généreux, coule, se répand, se repaît de la surface qui lui est offert pour déployer une palette sublime de verts et de bleus fusants. Comme dans l'autre exemplaire connu de ce vase, actuellement conservé dans la remarquable collection des grands magasin du Printemps*,
la couleur est reine, elle est généreusement étalée, soumise au feu, et le feu est chargé de faire vivre la pièce dans une autonomie nouvelle aussi éloignée que possible des maîtrises techniques qui enflammaient l'entre-deux-guerres.
Un vent de liberté souffle sur l'art céramique, le feu attise au seuil d'une nouvelle période faste pour l'art.

* Ce modèle est référencé et reproduit in Augustin David, Jean-Louis Gaillemin, Céramiques de l'Atelier Primavera 1912-1960, Éd. Le Passage, Paris, 2015, pp. 119 et en 3e de couverture.

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Lettre à l'amateur de céramique 
par René Guilleré
(1924)


Lorsqu'il publie sa Lettre à l'amateur de céramique en 1924, René Guilleré entend partager avec la clientèle du printemps - en vérité avec le public de son époque - une réflexion humaniste sur l'essence de l'Art en général autant qu'une justification historique et matérielle de l'importance de l'art céramique en particulier. 
Au-delà du classicisme apparent de sa forme, son approche novatrice s'appuyait sur un large savoir historique, sur une approche presque anthropologique de l'art et sur une quête sensible qui entendait légitimer sa place comme nouvelle expression de l'art contemporain.

En dépit des pionniers du Japonisme, de l'apport décisif de Paul Gauguin et de la vitalité impulsée par la céramique d'atelier 1900, le chemin s’entrouvrait à peine dans notre capacité collective à accueillir et reconnaître l'importance de la céramique.
Ce sentier, semé d'embuches, devait au fil des époques prendre des formes très diverses auxquelles nous tâchons de participer jusqu'à aujourd'hui en déployant un espace critique où penser l'art autrement.

Ce qui était vrai il y a cent ans l'est encore, « La céramique est l'art du XXIe siècle !» comme le dit aujourd'hui Jean Girel. Le médium terre est plus que jamais un art de l'espace-temps, un art de la relation au système Terre. La céramique est un art ô combien utile à un monde qui manque cruellement de sensibilité et de prises pour prendre soin de ce qui conditionne pourtant sa viabilité en tant qu'espèce, elle est un outil de conscience où résonne une quête ancienne et existentielle car comme le rappelle judicieusement Jean Girel « le propre de la céramique est d'abord d'accueillir...la fonction que j'assigne aux objets, au delà de leur éventuel usage, est de redonner du sens aux gestes et une valeur au temps...la poterie est d'abord un art rituel » (in La Sagesse du potier)

Bonne lecture!



«Vous souhaitez, Monsieur (sic!), de recevoir dans la provinciale retraite choisie à votre méditation, des nouvelles de ce terrible Paris, dont vous avez fui la trop vaine agitation, et que j'ajoute à vos connaissances, quelques clartés nouvelles sur les choses modernes de l'art décoratif. J'aurais de l'outrecuidance à me juger capable de vous enseigner quoi que ce fût en ces matières, après tant de preuves sensibles que vous m'avez données du goût le plus averti. Mais aussi bien, saisirai-je volontiers ce plaisir d'en causer avec vous. Lorsqu'un Japonais raffiné réunit ses amis, il offre à leur rêverie un bibelot rare, à propos duquel ils échangent leurs pensées d'art ou de poésie. À leur imitation, une coupe de grès aperçue dans l'Exposition de Primavera au Salon des Indépendants me sera prétexte à cette lettre. Si vous aviez vu son épanouissement de corolle qui s'étale, l'épiderme délicat de son émail lisse et doux au toucher, d'un gris vert indéfinissable d'eau morte..... parfaite réussite du feu !

Ah, Monsieur, quelle merveilleuse folie que celle de la poterie! Je veux vous la faire partager. D'ailleurs, je vous le dis en parenthèse, si vous désirez d'être cet « honnête homme» dont parle le XVIIe siècle, accompli en tout, il est indispensable que vous aimiez la céramique, intensément. Son goût est le propre des esprits élégants et les plus élégants le poussent à la passion, à la fureur, mieux jusqu'à la manie. Cet amour potier, si je puis m'exprimer dans ce bon vieux parler, n'est-il pas de tradition princière? En Chine, au Japon, chez nous jadis, les grands seigneurs attachaient des céramistes à leur maison.

C'est que cet art nous procure les plus grandes joies. Comme il avait raison ce sage Chinois, surnommé par ses contemporains « le philosophe des pruniers en fleurs et des vaisseaux d'argile, lorsqu'il s'écriait après avoir pénétré, lui aussi, la relativité des mondes « C'est une chose consolante qu'un beau vase». Il est bien vrai! Ne savez vous pas comme moi, comme tout Paris, qu'un des célestes empereurs Ming serait mort de consomption, las de survivre à la douleur qu'il ressentait de la perte d'une fiancée bien-aimée, si l'un de ses artistes n'avait alors découvert pour réjouir son âme, une porcelaine bleue, bleue comme au printemps le ciel après la pluie.

Sa modeste écuelle suffisait au bonheur de Diogène. « Avec un vieux pot, le sage, déclarait-il, possède l'univers». Votre sagesse sera moins ambitieuse de perfection. Elle se contentera d'une collection de pots. Par la multiplicité des matières, des couleurs, des formes, des ornements, elle vous sera une gamme illimitée de plaisirs.
Quelle diversité en effet, grès, porcelaines, faïences, terres cuites, et en chacun de ces genres, que d'aspects différents dans la texture des éléments, leur densité pour les yeux, leurs harmonies. Depuis ces rusticités comme jadis on en fabriquait au Pré d'Auge ou à Saint-Papoul.
Ces noms seuls n'ont-ils pas la bonasserie savoureuse d'une grosse poterie paysanne jusqu'aux porcelaines de l'ancienne Corée, si parfaites dans leur chair immarcescible de camélia blanc, qu'on les présentait avec vénération sur un coussin, il y a des nuances infinies. Mais vous ne sauriez bien éprouver les émotions qu'un amateur en peut retirer, si vous n'êtes pas initié de quelque façon aux pratiques mêmes de l'art qui les fait naître. Son intensité s'augmente à posséder la technique de votre plaisir. Il est d'un moderne et d'un délicat de pénétrer d'intelligence ses sensibilités des choses. Les vrais gourmets, s'ils ne cuisinent eux-mêmes, connaissent ce qui rentre dans la confection d'un plat et ses tours de main. C'est de cette cuisine céramique que je veux vous écrire quelques mots.

Faire de la céramique qu'est-ce, sinon confectionner des objets en terre durcie par la chaleur. La terre, nom donné des matériaux fort divers! La motte ramassée dans un champ, imprégnée d'eau, se laissera pétrir et former en image de cuvette ou de dieu. Le mur de boue cuite par le soleil n'est rien d'autre qu'une céramique primitive. Mais cette terre franche, terre végétale commune, composée de sable, de calcaire, d'argile, est d'une faible plasticité et ne fournit qu'un corps poreux, friable et sans durée. Plus liante, l'alluvion argileuse des fleuves fut très employée par tous les peuples aux âges anciens. Les premières poteries italiotes étaient modelées avec la terre grasse de la vallée du Pô. Encore aujourd'hui, les Egyptiens à l'exemple de leurs ancêtres moulent en briques le limon du Nil. Mais ce matériau présente également peu de résistance. Parmi les terres, il faut donc choisir celles qui réunissent les plus grandes qualités de souplesse dans le travail, de tenue au feu, de dureté après la cuisson. 

Chimiquement en dernière analyse, la composition de la terre et de toute céramique réside dans la liaison d'une base d'alumine avec la silice, c'est-à-dire est un silicate d'alumine. Ces deux corps unis entre eux suivant des proportions très différentes, et additionnés en quantités diverses d'éléments accessoires, colorants et fondants, tels que chaux, oxyde de fer, manganèse, potasse, soude, forment l'échelle des matières céramiques, depuis les plus grossières aux plus raffinées, de la marne, silicate d'alumine mélangé de vingt pour cent de carbonate de chaux, constituant des poteries communes, en passant par les argiles marneuses des faïences, les argiles figulines des terres cuites, les argiles plastiques des grès, jusqu'au Kaolin, silicate d'alumine à l'état de pureté, substance plastique essentielle de la porcelaine dure. Sommaire classification où un savant indiquerait de multiples subdivisions. Considérez encore que chacune de ces classes comporte des variétés suivant le lieu d'origine de ces terres. Le chimiste place sous une seule étiquette « d'argile à grès», des échantillons provenant de Cosne, du Chesneau près St-Amand-en-Puisaye, ou du Chatenet en Dordogne, dont l'artiste tirera des effets différents. À un pareil feu de 1.300 degrés, celui-ci donne une masse brun clair, celui-là lie de vin veiné de jaune, le dernier noir, qui, même recouvertes d'un émail semblable, l'influenceront pour fournir des nuances particulières. Quelle extrême diversité offrent donc au céramiste les 105 gisements d'argile exploités en France.

Dans la combinaison de ces deux éléments, le silicate d'alumine joue le rôle « plastique »; la silice au contraire procure une matière dite « dégraissante » qui corrige la plasticité de la première, en même temps qu'elle facilite le départ de l'eau à la dessiccation ou au four. Lorsque la pâte devient trop liante et attache aux doigts, le boulanger la sèche à l'aide de farine. En céramique, la silice remplit cet office. Cette matière dégraissante se présente naturellement en combinaisons diverses. On ajoutera en principe la silice à l'argile sous forme de sable dans les terres cuites, de silex dans la faïence anglaise dite cailloutage, de quartz dans la porcelaine dure. Cette dernière doit posséder la translucidité délicate qui fait son charme et sa préciosité. Ce résultat est atteint en employant avec le Kaolin et la silice, un dégraissant fusible, le feldspath, auquel un peu de craie apporte un surcroît de fusibilité. Dans les céramiques américaines primitives, l'élément dégraissant était simplement fourni par des débris de coquillages; les fabricants de certaines poteries communes le tireront des escarbilles des hauts fourneaux on peut l'employer en vingt états différents. Le talent du céramiste sera de prendre celui qui s'unit le mieux avec sa terre. Mais dans son choix tout est question de nuances. Les sables étant mêlés de produits de toutes sortes, ont des qualités fort variables. Le sable de Nevers par exemple était préféré pour cet émail stannifère dont vous admirez l'éclat profond dans les vieilles faïences locales parce qu'il enferme des parties feldspathiques. On peut donc établir des pâtes d'une extrême variété en associant ces deux éléments primordiaux dans des rapports différents. Ainsi, les poteries Égyptiennes à glaçure bleue ou verte étaient composées presque exclusivement de sable et enfermaient juste l'argile indispensable

pour permettre un commencement de plasticité. Leur analyse révèlera 90 parties de silice et 4 d'alumine. La porcelaine dure de Sèvres, au contraire, nous fournira le type le plus opposé puisqu'elle contient 62 parties de silice et 32 d'alumine.
Le céramiste étend encore les propriétés particulières de ses productions, non seulement en modifiant les proportions de silice, d'alumine et d'alcalis que contiennent les pâtes, mais en faisant subir aux couvertes une transformation corrélative. Les Chinois, les Japonais, plus récemment Sèvres, ont rendu leur porcelaine plus fusible en adoptant une pâte moins alumineuse et plus siliceuse, émaillée d'une couverte très riche en chaux, par conséquent plus fusible, permettant de cuire à 1300° seulement. La richesse de la palette, restreinte au feu élevé, est ainsi augmentée.
Sans compter toutes les pâtes artificielles que réalisera un savant les porcelaines tendres de Sèvres, de Saint-Cloud, de Tournay appartiennent à cette catégorie où il se servira de magnésie, d'oxyde de plomb, de soude, de tous les produits actuellement raffinés par l'industrie chimique, vous imaginez la multiplicité des matières céramiques que l'artiste peut créer utilisant simplement les éléments naturels tels qu'ils sortent de la carrière. Les doser dans d'heureuses proportions, en faire des mariages de plusieurs provenances, trouver des accords nouveaux, y mêler des corps accessoires qui ajoutent comme des condiments à leur qualité, tel est l'ordre fécond des recherches du céramiste. Travaux délicats! Des différences minimes dans l'équilibre des parties modifient profondément les céramiques obtenues, comme le montre dans ces deux analyses chimiques la comparaison des quantités de silice et d'alumine que chacune enferme :
Veedgood (sic): Silice 76; Alumine 20; Chaux 0,75; Oxyde de fer 1; Alcalis 1,60.
Grès de Carriès (Saint-Amand) : Silice 75; Alumine 22; Oxyde de fer 1; Alcalis 2.

Physiquement les caractères de toute matière céramique sont la plasticité à cru et la non plasticité ou dureté après cuisson. La plasticité est la propriété d'une matière à subir et à garder sans se rompre, les changements de forme, les « déformations » qu'on lui impose. Ainsi les physiciens envisagent qu'une force peut agir sur un corps suivant quatre modes différents: par compression, flexion, traction, torsion. La terre se moule et s'imprime parfaitement; elle s'infléchit docilement au tour on l'étire, mais faiblement, car elle se déchire sous sa pesanteur, en boudins assez gros, et sa plasticité à la traction ne saurait être comparée à celle du verre ou du métal qu'on amène en fils d'une extrême minceur. Indifférente aux forces de torsion, elle ne présente aucune des qualités d'un métal, d'un textile ou d'une fibre de vannerie. Tempérament particulier de la matière qu'un artiste doit bien comprendre s'il veut lui donner les formes qui lui conviennent.
La cuisson, en expulsant l'eau, fait subir à la matière des modifications physico-chimiques profondes, resserre ses éléments et lui confère une résistance plus ou moins grande suivant la nature de sa composition, les poteries communes et faïences, dites à pâte tendre», étant rayables par le fer, les grès et porcelaines « à pâte dure» et vitrifiée n'étant pas rayables par l'acier.
Je ne saurais m'étendre sur la fabrication même des pâtes. Comment les matières sont broyées, délayées, décantées, mélangées, malaxées, amenées à l'état d'une pâte qu'on marche et qu'on bat pour la pétrir, ressortirait d'un chapitre de mécanique dont s'ennuierait votre dilettantisme.

Mais vous vous intéresserez à voir l'artisan façonner avec sa terre préparée les mille objets que réalise la céramique. Car elle satisfait à des besoins multiples de décor ou d'utilité, à l'emploi ornemental, bijoux, vases, coupes, statuettes; aux usages domestiques, jarres, terrines, dame-jeanne; aux destinations architecturales, briques, carreaux, antèfixes. On peut même en faire des cercueils, témoin ces urnes et ces sarcophages que nous ont légués les anciens.

C'est la destination qui détermine la forme donnée par le céramiste à un objet. L'esthétique si elle n'aide à l'affirmer, du moins n'y doit pas contredire. Hors ce respect nécessaire, l'artiste peut se livrer à toutes les fantaisies de son inspiration. Les potiers chinois demandaient la leur à la nature, façonnaient leurs vases en formes de fleurs, calice de nelumbium, magnolia, de fruits entiers ou coupés, de rochers et d'animaux. Les Japonais imitaient souvent aussi des légumes, navets, coloquinte, des coquilles ou leur volcan sacré du fushiyama, tout noir avec ses coulées blanches. C'est à l'image du corps humain que le potier grec tournait ses vases. Les noms mêmes dont il en désignait les diverses parties, visage pour l'intérieur d'une coupe, oreille pour l'anse, épaules, ventre, ombilic, pied, rappellent la source anatomique de son inspiration. Qu'on examine les frises du Parthénon, ce sont des dessins de vases grecs qu'on tirera des torses et des jambes, ou qu'on trouvera dans les profils des silhouettes.

La variété de vases que peut créer un artiste se ramènerait à quelques types depuis la colonne aux renflements divers, jusqu'au calice plus ou moins épanoui. Mais je vous fais grâce des nomenclatures établies par les archéologues où il est parlé de vases pomiformes, infundibuliformes...... Il convient seulement de remarquer que si l'on peut mouler en terre des formes cubiques, prismatiques et les sculptures les plus compliquées, il n'est possible d'exécuter au tour, instrument propre de la céramique, que des formes dont le cylindre est le générateur.

S'il ne moule pas son vase dans le creux d'un plâtre, par moulage proprement dit en y impastant sa terre, ou par coulage, en la versant très étendue d'eau, sous forme de « barbotine», le céramiste a recours au tour. Il est rare qu'il « monte » un vase sans son aide. Les primitifs le faisaient dans l'ignorance de ce moyen mécanique, en superposant par assises des boudins de pâte ou « colombins », comme on procède encore pour les jarres que leur grande dimension ne permet pas de tourner. C'est avec un sens artiste raffiné que les Japonais modèlent à la main certains de leurs bols, parmi lesquels la série des «Rakou», dont les surfaces frustres, cabossées, aux accents rudes comme ceux d'un caillou, ont un charme si savoureux.

L'artiste sait se servir directement du tour pour donner à sa forme, s'il ne préfère lui laisser un galbe pur, des « accidents» qui la décorent. Il inscrira sur le fond des coupes, une spirale dont le centre s'enfoncera en ombilic ou se relèvera en mamelon; il marquera les pièces verticales de bourrelets, de plissements pareils à ceux d'une coquille ou, défaut transformé en qualité, laissera paraître le ridement en vis naturellement tracé par le tour. Aspects pittoresques recherchés par les Japonais. D'autres artistes tiendront au contraire à effacer ces traces du métier pour obtenir une matière d'une égalité parfaite. C'est ainsi que les Grecs, comme M. E. Pottier le signale dans son étude sur les « Lécythes blancs», la polissaient à l'aide d'un cuir.

Le vase de terre avant sa cuisson pourra recevoir un décor plastique et coloré. Plastique, l'ornement sera tracé en creux ou posé par relief. En creux, on l'exécutera par impression, ou à la pointe, ou au couteau. Les Japonais imprimaient souvent sur l'argile crue une toile à gros grain (céramiques d'Oribé). On voit chez eux, chez les Chinois et dans toutes les poteries primitives, des vases décorés par impression de vannerie, de feuilles ou d'une corde. Des étampages seront faits à l'aide de cachets de bois (ondes des vases Coréens), de poinçons formés de lames métalliques (grès vallons), de molettes, ciselets, rouleaux en relief (vases étrusques).

Pendant que la pièce tourne, on exécutera à l'aide d'une pointe, ou d'un peigne aux dents plus ou moins grosses, des raies droites ou diversement ondulées (Coréens et Japonais). Large gravure enlevée à l'échoppe, rude incision faite au clou (Kougihori des Japonais), côtes finement taillées au couteau (Coréens), voici encore des procédés de décoration aux effets très particuliers. Sans recourir à la sculpture, le céramiste dispose pour orner son vase en relief, d'éléments simples, boulettes de terre tournées entre les doigts, boudins roulés sous la paume nommés colombins, bandes découpées au couteau. Tous les peuples, au début de l'art, Assyriens, Grecs, Germains, tous les potiers rustiques de nos campagnes, ont composé avec ces motifs primaires, ainsi qu'un pâtissier orne ses gâteaux, des dessins, géométries, entrelacs, rubans plissés, silhouettes de fleurs ou d'animaux.

La forme simple ou ornée de reliefs surajoutés, peut être recouverte de couleurs ou laissée dans sa nudité. Les critiques parlent souvent de la « belle matière d'un vase. La céramique où la terre apparaît sans glaçure, ni vêtement d'émail coloré, en biscuit», peut être déjà une pièce d'art, de l'art le plus rustique ou le plus raffiné. Voici où la beauté de la matière apparaît dépouillée de tout artifice. Un amateur saura en apprécier la texture, la couleur et jusqu'au son qu'elle rend. De celles-ci il aimera la rudesse. La pâte de certaines poteries primitives maladroitement pétrie, enferme encore des particules d'élément « dégraissant » restées comme en suspension dans l'élément plastique. Ainsi, sur les vases archaïques de l'Amérique septentrionale, des tests de coquillages mettent des particules nacrées. Il est de vieilles poteries d'Ordizan (Pyrénées-Orientales) où des paillettes de mica brillent d'un éclat métallique. Un savant d'art Japonais, un Henri Vever ou un Raymond Kæcklin, sauraient seuls vous décrire cette séduction d'un bol en vieux Soma que le sable, mal digéré par l'argile et vitrifié par le feu, a piqueté de points gris. Dans les grès archaïques de Schigaraki (Japon) une poussière de pegmatite sème la terre de grains blancs opalisés par la cuisson. Un nippon se servira de cet effet pour imiter la peau pustuleuse d'un crapaud.

Mais notre plaisir à l'art primitif, au sauvage même, ne doit pas exclure notre goût du plus raffiné. Nous admirerons, plus encore peut-être que ces curiosités, la qualité d'une matière parfaite, dont tous les éléments plus ou moins divisés ont été intimement mélangés dans une pâte d'une complète homogénéité. Elle offrira d'ailleurs des aspects bien différents, ici granuleuse, pareille à une chair de poule dont les grès de Maiko (Japon) nous donnent un exemple, là, onctueuse et lisse ainsi que dans les poteries péruviennes et mexicaines, ou polie et d'une incomparable finesse comme celle des vases grecs, de la terre de pipe et du biscuit de Sèvres. Et quel charme a parfois la couleur de la terre laissée à l'état naturel: livrée sourde de certains grès japonais (Bizen), marron de nos grès français ferrugineux (Saint-Amand-en-Puisaye), jaunes de nèfle des grès de Kiang-Sou (Chine), éclat bronzé des poteries de Brousse.

C'est au moyen d'engobes, d'émaux on de couleurs proprement dites, qu'on enveloppe la terre d'une parure colorée. Les engobes ou « engaubes», comme on disait en vieux français, sont des matières terreuses, colorées par des oxydes. On en trouve certaines à l'état naturel, telles que l'ocre jaune, terre argileuse colorée par l'oxyde de fer, l'ocre rouge, la terre d'ombre. On réalisera une engobe blanche en unissant à 96 parties d'argile blanche, 4 d'oxyde d'étain, une engobe noire à l'aide de manganèse calciné, des engobes bleues, violettes, vertes par le cobalt, le manganèse, le cuivre. La terre qui constitue la base de ces engobes sert en quelque sorte de véhicule aux oxydes et permet leur adhérence au vase. L'engobe liquide est mise au pinceau. Les vases grecs à décor noir et rouge, ou à fond blanc et colorations diverses, sont exécutés de cette manière. Dans l'œuvre de Primavera, les poteries du céramiste Gête appartiennent à cette technique. Si l'engobe est appliquée sous forme de bouillie, on se sert d'une écuelle munie d'un bec, ainsi que font les marchands de pain d'épice pour soutacher leurs bonshommes de broderies de sucre. Nos ateliers d'Alsace et de Savoie utilisent ce procédé et le précédent. Enfin, employée en pâte molle, l'engobe peut être modelée comme nous le voyons dans certaines pièces chinoises où des ornements plus blancs que le fond forment de vaporeux reliefs. C'est encore une engobe qu'on a posée dans les traits préalablement gravés de ces rares faïences d'Oiron, dites de Henri II, dont le chandelier de la collection Dutuit nous offre un exemple célèbre et coûteux, puisqu'il fut payé cent vingt mille francs. Les engobes sont naturellement mates. Dans certains vases grecs, elles sont restées en cet état où elles ont le charme délicat d'une fresque. Mais ordinairement, on les mélange ou on les revêt d'une glaçure transparente, désignée pour les poteries sous le nom de vernis, mince et translucide, qui leur donne de l'éclat et du brillant.

Un vêtement d'émaux offre une richesse plus profonde. L'émail est une matière vitreuse, que colorent des oxydes maintenus à l'état de dissolution. On ajoute à l'opacité que produisent déjà les colorants par l'addition d'oxyde d'arsenic ou plus habituellement d'oxyde d'étain. Ce dernier corps forme l'émail blanc dont on recouvre la terre des faïences dites « stannifères ». Il est rare que l'émail soit employé translucide. On le trouve retenu dans les ajours évidés de quelques pièces chinoises ou persanes (Gamboun). Chaque oxyde fournit une couleur particulière. En principe, on demandera les jaunes au titane, à l'antimoine, à l'urane, les bleus au cuivre, au cobalt, les verts au chrome, au cuivre, les rouges au fer, au cuivre, à l'or, les violets au manganèse. La chimie offre toutes ces ressources!

Mais chaque oxyde peut encore se nuancer dans certaines conditions. Les glaçures employées influenceront les tons. Le manganèse avec une glaçure alcaline donne un violet rouge qu'une glaçure plombeuse rendra brun. Mais les modifications les plus, importantes dans les fours au grand feu sont obtenues par l'atmosphère du four pendant la cuisson, « atmosphère oxydante » quand l'air entre avec la flamme, « atmosphère réductrice » si l'accès de l'oxygène est au contraire empêché. Ainsi, un urane, à feu oxydant développe un jaune, à feu réducteur un noir. La présence dans le four de certains corps qui fournissent des émanations ou se volatilisent pendant la cuisson, ajoute à la diversité des couleurs. L'oxyde de cobalt donnera des gammes de verts particuliers au contact du zinc, de l'antimoine, du fer. Nous avons constaté par expérience, que cette « méthode des présences», pourrait-on l'appeler, est fertile en découvertes. Mais qu'elle est riche déjà la palette du céramiste de grand feu, si on considère les œuvres anciennes de nos maîtres d'Extrême-Orient : blancs délicatement nuancés, blanc d'amande, de cire, de lard, de pulpe de magnolia; bleu prune, turquoise et ce fameux bleu du bleu du ciel après la pluie, Yu-Kouo-Thientsing; violet aubergine; verts poireau, oignon, peau de serpent, et ce renommé vert d'huile, teou-yeou-che-yeou des pièces de fouille; les jaunes d'anguille, de nèfle claire; les rouges haricot, sang de bœuf, foie de mulet, poumon de cheval, et ces harmonies composées si rares, clair de lune, plume de caille, fourrure de lièvre. Simple énumération qui n'est pas limitative. Chaque jour apporte sa trouvaille. Les seules couleurs qui soient interdites à l'artiste, ce sont ces tons fades, ces mauves, ces roses, ces verts pistache qui ne relèvent que de l'art du confiseur.
C'est non seulement aux couleurs de ses émaux, mais encore à leur qualité de matière, qu'on apprécie la valeur du véritable céramiste. Pour ne point parler des créations de notre atelier Primavera, cherchons nos exemples chez ces anciens artisans japonais, coréens, chinois, à qui l'école française moderne a demandé ses meilleures leçons. Quels aspects pittoresques ils donnaient à leurs émaux par le talent avec lequel ils les appliquaient. Ici, un émail mis en empâtement, gras comme de la graisse figée (Nigori), là, caressé au blaireau de traits légers (usui akeme), ou posé à coups de brosse dure (Koi akeme), lissé en poil de lapin (Hantsuya keshi), disposé en mouchetures pareilles à celles de l'écaille (bekko kusuri), épongé, tapoté, fouetté. Sur un émail ils opéraient des reprises d'un émail d'une autre couleur qui venait tracer un fin réseau, des marbrures (thijiri kusuri), des jaspures, des arborescences, des filets capillaires aussi délicats que ceux d'une agate, emmêlés comme les fils d'une toile d'araignée (Kumodori). Certaines pièces étaient même recouvertes à plusieurs couches d'émaux de plus en plus translucides, légèrement teintés de couleurs différentes, la couche supérieure étant constituée par un vernis transparent (Midzu Kusuri).

Leurs plus curieux effets étaient obtenus en employant des émaux dont le degré de dilatation différait de celui de la terre qui leur servait de support. C'est un procédé courant pour produire des craquelures. Mais avec quelle merveilleuse habileté nos vieux maîtres d'Extrême-Orient ont su le diversifier. Ils combinent des craquelures de dimensions différentes, un large fendillement, pareil à celui de la glace, enfermant un fin maillage nommé « ventre de biche». Ils créent des retirements d'émaux (tachiri) en fines goutelettes, « grain de millet » et « chair de poule; ils les contractent en crevasses comme dans ce genre « irapo», issu des primitifs coréens. Tel vase semble vêtu de neige piquée par l'eau du dégel, tel autre a l'écorce rugueuse d'un citron rongé par les vers (onita bachi), rappelle une coquille taraudée de petits trous (mushi kuri), imite la peau de requin, ou les taches de pluie dans la poussière (ama mori).

C'est à ces œuvres que s'apparentent les grès de nos artistes modernes. La lumière nous est venue d'Orient! Avant de connaître les merveilles de l'art japonais national, car nous avions seulement vu leurs produits d'exportation, que les Goncourt nous ont révélées, nos céramistes ignoraient l'art des émaux. Il a été créé de toutes pièces depuis cinquante ans par nos grands artistes Carriès, Chaplet, Dammouse, Delaherche, Lenoble, Decœur, Simmen, et tous ceux de la manufacture de Sèvres. Avant eux, en France, il n'existait comme grès que ce simple grès de cruchon, grès du Beauvaisis ou de la Nièvre, dont la terre laissée dans sa couleur naturelle est seulement glacée en projetant dans le four, vers la fin de la cuisson, du sel qui se volatilise, et dépose sur les pièces un vernis brillant. On ne se servait pas d'émaux. On engobait les poteries ordinaires pour les colorer, et tout l'art du décorateur céramiste résidait dans l'emploi des couleurs avec lesquelles il peignait sur la faïence et la porcelaine.

Une couleur céramique est composée d'un fondant capable de faire adhérer le pigment colorant à la terre et de donner à la peinture après la cuisson un glacé analogue au vernis de la peinture. Dans la matière vitreuse d'un émail l'oxyde colorant se trouve dissout; il n'est qu'en suspension, en mélange, dans la matière vitreuse ou fondant de la couleur. On distingue les couleurs de grand feu, de demi grand feu ou couleurs dures, de moufle ou couleurs tendres.

Les palettes de grand feu sont les moins étendues, mais aux yeux des connaisseurs, les plus belles et les plus céramiques. Employée pour le décor de la faïence stannifère, faïence constituée par une argile de couleur enrobée d'émail blanc à l'étain, elle est celle des anciens Moustier, Rouen, Nevers, Sinceny. Les tons auxquels elle se limite, violet de manganèse, vert, bleu, jaune, rouge fer, brun, pénètrent dans l'émail qui cuit en même temps qu'eux, et acquièrent ainsi une profondeur, un moelleux, un éclat qu'on ne saurait obtenir avec les couleurs passées à plus basse température.

Celles de demi grand feu sont appliquées sur porcelaine et sur des faïences dont l'émail stannifère, exigeant une température de cuisson supérieure, est déjà cuit, ou sur les faïences dites « faïences fines» qui, de terre naturellement blanche, ne reçoivent aucun émail opaque. La faïence de Lunéville rappelant l'ancien Strasbourg et Niederviller, celle de Montereau, la faïence que fabrique l'atelier Primavera dans l'usine du Printemps à Sainte-Radegonde de Tours, sont de cette nature et décorées de cette sorte.
En moufle, c'est-à-dire entre 500° et 700° environ, la plus basse température de cuisson céramique, on réalise à peu près toutes les nuances d'une aquarelle, mais la peinture fixée par le passage en moufle sur une pièce, faïence ou porcelaine préalablement cuite avec sa glaçure, ne pénètre pas l'émail ou la couverte, et reste superficielle. Les fleurs répandues sur les statuettes de Saxe, les miniatures de nos anciennes porcelaines de Sèvres étaient traitées de cette manière, en couleurs tendres au feu de moufle.

Le feu, mauvais jeteur de sorts et divin magicien pour le céramiste! Un coup de flamme détruit l'œuvre ou l'embellit. Le four construit différemment pour chaque fabrication, faïence, grès ou porcelaine, réclame une conduite particulière. Un oxyde ne donne pas les mêmes couleurs si on chauffe au bois comme pratiquent les artistes et la Manufacture de Sèvres, ou au charbon dont se sert l'industrie courante. La cuisson commence par un feu lent, « petit feu» d'une durée de 12 à 18 heures à Sèvres, et se termine en poussant la chaleur jusqu'au « grand feu», qu'on prolonge de 14 à 24 heures. L'échelle des températures où on doit s'élever diffère avec chaque matière. A chiffrer en degrés centigrades, procédé sans certitude scientifique, on peut compter que les cuissons atteignent : poterie tendre vernissée 700º à 1.000°; poterie du genre des poteries grecques: 950º à 1.000°; faïence stannifère: 900° à 1.000°; faïence fine: 1.150° à 1.280°; grès: 1.200º à 1.300°; porcelaine: 1.400° à 1.450°.
C'est en réglant, comme nous l'avons vu, l'entrée de l'air dans le four, en l'obstruant pour cuire en «feu réducteur», en l'activant en «feu oxydant», que le céramiste crée la variété de ses nuances et de ses effets.
Sur un vase émaillé avec un seul oxyde de cuivre, le Chinois, en laissant l'air pénétrer et toucher certaines places choisies d'un vase durant sa cuisson, obtenait des verts, des rouges, des pourpres violacés que son habileté parvenait même à disposer suivant un véritable dessin, jusqu'à imiter des formes naturelles, fleurs ou papillons.
Voici bien rapidement parcouru le cycle des fabrications céramiques, dont l'atelier Primavera, dans toutes les matières et les techniques envisagées, vous offrira des exemples nombreux. Car, sur les 9.732 modèles créés jusqu'au 1er janvier 1924 par l'atelier, depuis le 1er janvier 1913, date de sa fondation, 4.618 ont été consacrés aux faïences, à la porcelaine, aux grès.

Nos ateliers de fabrication? d'abord l'usine du Printemps à Sainte-Radegonde de Tours. Puis c'est dans toute la France que nous avons porté nos dessins. Les moindres potiers de campagne, de la Provence au Pas-de-Calais, ont reçu notre visite. Vous dirai-je que nous avons encore trouvé dans des villages perdus du Berry, des artisans qui employaient comme tour, ainsi que les peuples primitifs, une roue de chariot, mise en mouvement à l'aide d'un bâton, sur le moyeu de laquelle ils exécutaient des terrines de grès! Avec leur matière, pareille à celle des « Carriès », nous avons appris à exécuter, sans plus de difficulté, au lieu de poteries de cuisine communes, payées en 1913 entre dix et soixante-quinze centimes, des vases décoratifs dont nous leur donnions, alors, plus de dix fois autant. En les décorant d'oxydes, que la chimie moderne et les fabricants d'émaux, Poulenc ou L'Hospied, mettent à notre disposition, comme à celle de tout le monde, nous avons réalisé des pièces artistiques que nous sommes heureux d'exporter dans le monde entier. Notre meilleure récompense est peut-être ce jugement sur notre effort, par un céramiste dont le talent aujourd'hui s'affirme heureusement dans les salons: « J'ai beaucoup appris en travaillant avec vous. »

Telle fabrique veut bien reconnaître que nous avons complètement renouvelé son genre en reconstituant, dès 1913, sous des aspects inédits, ces émaux en relief qui jouissent, aujourd'hui, d'une faveur méritée.
Nos inspirations? Au point de vue technique, comme tous les modernes, nous nous sommes surtout reportés aux vieux maîtres d'Extrême-Orient dont nous avons été, sur place, étudier les chefs-d'œuvre dans les musées du Japon et de la Corée.
Au point de vue artistique, nous pensons avoir un peu étendu le champ coutumier des décors, borné, en ce temps-là, à la stylisation des fleurs et des insectes. Nous avons les premiers, depuis dix ans, paré nos vases d'oiseaux, de bêtes, de plantes fantaisistes, de nus dans des forêts exotiques, de scènes pareilles à celles des vieilles imageries, de sujets du théâtre, de la rue ou des champs, et nos dernières productions ont été jusqu'à emprunter au cirque Médrano leurs meilleurs thèmes.

Mais il me faut me borner. Je m'excuse de ces pages didactiques, notes trop brèves pour votre enseignement, trop longues pour être lues. Sans vous y attarder, choisissez de voir les œuvres mêmes qu'elles prétendent à expliquer. J'ai voulu vous persuader de connaître. Après tout, il n'est d'autre loi en art, que de sentir. Soyez comme ces amateurs japonais qu'invoque ma lettre à son début. Ils ne goûtent bien une céramique que s'ils la tiennent en mains, caressent le grain de son épiderme, tâtent son épaisseur, en éprouvent le poids.
Le rayon Primavera du Printemps vous permet de les imiter. Il est comme un petit musée où vous ajoutez au plaisir de voir, celui de toucher... et d'emporter.»

René GUILLERÉ, Directeur de l'Atelier Primavera


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