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Objets d'Écho

Expositions..Exhibitions

Du 5 Septembre au 18 Octobre 2024, La Maison de Commerce et la galerie stimmung dialoguent autour de l'objet à l’Atelier de La Maison de Commerce:

Objets d'Écho
2, rue de Luynes, Paris 7e
11h-19h / du mardi au samedi



Qu’on en ait conscience ou non, les objets dessinent certains contours de nos existences, ils rythment nos vies et, souvent, nous survivent. Comme les arbres, la terre, les pierres, ils dépassent l’échelle de nos vies humaines en embrassant un espace-temps élargi.

Rêvés, imaginés, dessinés, façonnés, ces objets, lorsqu’ils sont le fruit d’un engagement, d’une éthique, d’une nécessité ou d’une joie de faire, se métamorphosent en témoins et incarnations de nos préoccupations, de nos savoirs, des souvenirs de celles et ceux que nous aimons. Outils de mémoire, ils sont des talismans contre l’oubli.

En invitant la galerie stimmung à un dialogue complice entre œuvres du passé et artisanat de notre présent, La Maison de Commerce sonde sa position, sa pratique et son désir de participer à la nécessité pressante de retrouver un rapport plus ajusté aux choses.

Ensemble, la galerie stimmung et La Maison de Commerce arpentent un horizon assumant « une histoire du temps où les hommes et les choses n’étaient pas encore distincts » pour détourner la belle formule de Lévi-Strauss.

Ces objets en conversation nous aident à saisir des relations de formes, de textures, des frictions, des voix amies, la surprise du hasard, et en eux résonne une multitude : vagues successives d’humains en complicités avec leurs milieux.
L’objet peut ainsi apparaître comme un passé durable qui affleure au présent. Comme un guide silencieux pour rompre avec la triste réduction à «l’objet déco», inconséquent, (dé)modé, consommable, jetable.

À l’origine du saisissement de tels échos , il y a une attention rare portée aux objets qui nous entourent et aux gestes qui les font naître; il y a aussi l’ambition de s’appuyer sur la qualité des objets domestiques pour dessiner d’autres contours sensibles à la vie quotidienne et d’autres futurs plus désirables.

Augustin DAVID, 2024

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Rencontres

Jusqu'au 18 octobre, La Maison De Commerce accueille des moments d’échanges avec la galerie stimmung autour de quelques thèmes résonnant dans le dialogue impromptu des objets.

(Sur inscription auprès de La Maison De Commerce)


Mardi 10 septembre 18h30 : Utilitaire, pas seulement !


Lors de cette rencontre, notre invité Augustin David nous racontera comment, depuis des siècles, nous sommes conditionnés à opérer une distinction entre ce qui serait art et ce qui serait artisanat, entre ce qui serait utilitaire et ce qui serait purement artistique. Interroger ces fausses divisions, c’est tenter ensemble de défaire certaines dominations et hiérarchies qui pèsent sur nous et entravent nos regards.


Mardi 24 septembre 18h30 : Dans l’intimité de la céramique

Au cours de cette rencontre Augustin David abordera, à l’aide d’exemples concrets, une présentation des caractéristiques qui permettent de distinguer et de comprendre les différents types de céramiques et leurs enjeux en terme de matières et de décors. Nous nous intéresserons aussi aux rapports singuliers que la terre entretient à l’art en général et à ce que travailler la terre veut dire hier et aujourd’hui.


Mardi 8 octobre 18h30 : Le bois, essence de l’art, depuis la nuit des temps

Depuis des siècles l’humanité travaille le bois. En choisissant cette matière pour perspective, nous tâcherons de raconter une autre lecture de l’histoire de l’art: une histoire qui raconte moins la domination des grandes figures de l’histoire que la vie quotidienne de générations d’humain.es

 

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Échos

Rencontres, dialogues et résonances entre la collection de La Maison de Commerce et les œuvres sélectionnées par galerie stimmung:

 

1. Boîte Vakka en peuplier, petite taille, Finlande (LMDC)

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2.Ensemble d’anciennes boîtes en lames de bouleau courbées, Suède (XVIIe siècle) (Coll. galerie stimmung)

Ce type de boîtes en bois se retrouve sous des formes variées dans toutes les cultures de l’hémisphère nord terrestre. Ces modèles nés en Suède dans les siècles passés témoignent d’une pratique quotidienne : chaque membre de la communauté possède de multiples boîtes. Dans le foyer, elles servent à ranger les aliments -les petites protègent le précieux beurre- les grandes sont autant de «meubles de rangements», cocons protecteurs des rares richesses matérielles, étoffes, coiffes, habits du dimanche. En voyage, les boîtes se font valises, sacs à mains, porte-dîner.

 

3. Suspension cruche réalisée en exclusivité par Coline De Masure, France, ensemble de 3 (LMDC)

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4. Pichet anthropomorphe en grès émaillé par Didier Potelune à La Borne, France (2002) (Coll. galerie stimmung)

Didier Potelune est l’héritier d’une lignée de potiers installée à la Borne dans le Haut-Berry depuis des temps immémoriaux.  Reprenant les modèles déployés avant lui, il initie, vers 2000, une série de pichet hommage convoquant les pots anthropomorphes des imagier.es bornois.es des XVIIIe et XIXe siècles. Véritables portraits façonnés, ces fabuleux pichets prennent des allures d'aiguières précieuses en ne mobilisant que les outils de la poterie bornoise traditionnelle.

 

5. Chantepleure en céramique, France (LMDC)

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6. Épi de faitage en terre vernissée, Sud de la France (XIXe siècle) (Coll. galerie stimmung)

À l’origine, avant de devenir des pièces significatives de collections d’arts populaires, les épis de faîtage étaient d’abord des témoignages de l’artisanat architectural et du mode de vie rural. Notre exemple est un modèle de simplicité, où s’éclaire la beauté d’un geste maitrisé, discret : toute ornementation est absente au profit de la beauté et de l’humilité surgit de la seule évidence du tournage. La forme est une détente dans le geste, l’expression d’un savoir-faire gestuel oublié au profit d’une joie légère dans l’exécution. Elle est surtout une idée de la beauté simple.

 

7. Plat corolle grand modèle réalisé par Fanny Laugier, France (LMDC)

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8. Vase en grès d’Eric Astoul à La Borne, cuisson bois Anagama (four japonais), France (2001) (Coll. galerie stimmung)

Eric Astoul est une figure essentielle de la céramique de La Borne dont il porte le message de part le monde. Célébré jusqu’au Japon dont il se fait un passeur, exposé en permanence au Musée national de la céramique de Sèvres, Eric Astoul continue de nous surprendre, par son inventivité, sa gentillesse, son humilité, et la sagesse de ses paroles qui reflètent la force qu’il insuffle à chacune de ses cuissons annuelles. À chaque fois, il investit de nouveaux territoires et ose se remettre profondément en question. Eric Astoul incarne à merveille les sages propos de son aîné Robert Deblander: «(S)es préoccupations sont celles d’un créateur, d’un chercheur, d’un artiste qui, sur l’intangible base du médium terre à grès ressent profondément le riche vocabulaire de l’argile, du feu et de la forme, et a pour destin de dépasser l’objet utile, aussi merveilleux qu’il ait été, qu’il soit revenu, réécrit, repensé et enrichi des milles nuances du céramiste de notre époque». Robert Deblander

 

9. Panier en contreplaqué de bouleau et cuir, Finlande (LMDC)

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10. Boîte ou contenant paysan en lames de bouleau décoré au rouge de Falun, Suède (XIXe siècle) (Coll. galerie stimmung)

Ce panier ou baquet est un modèle exemplaire de la belle simplicité de la vannerie de bouleau suédoise. Sans que l’arbre ne soit nécessairement abattu, les paysans prélevaient des bandes d’écorces et d’aubiers des bouleaux ornant le paysage de leurs vies. Habilement mise en forme, cette matière permet des formes simples ponctuées parfois de nœuds réalisés en racines de bouleau. Surlignés de subtils motifs géométriques tracés au pigment rouge de Falun, il surgit du passé pour nous conter un temps où la vie quotidienne se tressait avec les besoins, les rites populaires, avec la célébration des personnes et dans lequel la beauté se déployait d’abord dans les objets nécessaires.

 

11. Très grande bouteille réalisée par Gilles Compas, Vallauris (LMDC)

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12. Vase bouteille en grès de Noron à décor de Goma («graine de sésame» en japonais), France (vers 1965) (Coll. galerie stimmung)

Cette magnifique bouteille anonyme est tournée en terre de grès noir de Noron (Calvados). Elle présente, pour seul décor, une ligne élégante soulignée par des «goma», ces dépôts aléatoires de cendres -ressemblant à des grains de sésame- issus de la cuisson au bois en pleine flamme à la manière japonaise.

 

13. Pique-fleur, Emile Tessier, modèle dessiné vers 1950, France (LMDC)

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14. Pique-fleurs boule à émaux marmoréens «La Bonne ménagère», Atelier d’Honoré Milazzo à Vallauris, France (vers 1930) (Coll. galerie stimmung)

Bien avant l’engouement suscité par les céramiques de Pablo Picasso dans l’après-guerre, la cité de Vallauris maniait déjà le savoir-faire de la terre depuis des siècles.  Entre les années 1880 et 1940 un renouveau s’opère lorsque de nombreuses familles émigrent d’Italie avec un trésor de savoir-faire entre les mains. C’est ainsi qu’Honoré Milazzo animait vers 1930 un atelier d’objets de décoration et tables sous le nom «la bonne ménagère» (sic), tel ce Pique-fleur, objet incontournable aujourd’hui trop oublié, qui déploie un remarquable décor d’émaux évoquant des marbrures. À la façon des flammés qui font la mode dans la céramique d’art du centre de la France, Milazzo adapte sa faïence à la mode d’alors.

 

15. Saladier en olivier, Dubosq, France (LMDC)

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16. Importante coupe monoxyle paysanne en broussin de bouleau, Suède (XIXe siècle) (Coll. galerie stimmung)

Dans la Suède d’autrefois de telles coupes en bois étaient réalisées par les hommes pour leur installation prochaine. Arrivé à l’âge adulte, le jeune homme parcourait la forêt en quête d’un arbre présentant à la surface de son tronc un broussin digne d’attention, cette protubérance fibreuse offrait un support de sculpture pour imaginer une coupe au rotondités naturelles destinée à sublimer son futur foyer. Objets de rites de passage soulignant une beauté déjà-là, ces objets rares étaient transmis de génération en génération.

 

17. Grand vase à anses pinchos, Ana-Belen Castillo, France (LMDC)

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18. Vase en grès de Albert-Pierre Laplanche à l’atelier Terre d’Éclance Charenton, France (vers 1900) (Coll. galerie stimmung)

Sous l’influence du mouvement de renouveau des Arts décoratifs qui anime la charnière des XIXe et XXe siècles, un important maillage d’ateliers de céramique d’art se développe vers 1900. Rue de Charenton à Paris, œuvre le sculpteur Albert-Pierre Laplanche qui utilise de la terre d’Éclance, un gisement argileux entre Aube et Bresse. Dans le foisonnement intellectuel de l'instant, il imagine une œuvre novatrice qui s'affranchit de l'influence nippone pour convoquer toute l’étrangeté «fin de siècle» du symbolisme alors en ébullition.

 

19. Boîte Vakka en peuplier, grande taille, Finlande (LMDC)

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20. Ancienne boîte en lames de pin courbées, Suède (XIXe siècle) (Coll. galerie stimmung)

Ce type de boîtes en bois se retrouve sous des formes variées dans toutes les cultures de l’hémisphère nord terrestre. Ces modèles nés en Suède dans les siècles passés témoignent d’une pratique quotidienne : chaque membre de la communauté possède de multiples boîtes. Dans le foyer, elles servent à ranger les aliments -les petites protègent le précieux beurre- les grandes sont autant de «meubles de rangements», cocons protecteurs des rares richesses matérielles, étoffes, coiffes, habits du dimanche. En voyage, les boîtes se font valises, sacs à mains, porte-dîner.

 

21. Pichet Tête de femme Sicilienne (LMDC)

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22. Pichet anthropomorphe Art Nouveau en grès par Alexis Boissonnet, France (vers 1900) (Coll. galerie stimmung)

Alexis Boissonnet fait partie de cette génération d’artiste ayant accompagné le foisonnement de l’Art nouveau et du Symbolisme dans les Arts décoratifs. Comme évadé d’un conte de fées, la panse de ce pichet révèle peu à peu un visage grimaçant formant le portrait d’un homme mystérieux évocant la manière d'Auguste Rodin. La magie, le merveilleux sont convoqués pour témoigner d’un moment précieux où l’art était en contact avec ce temps primordial "où les hommes et les choses n’étaient pas encore distincts" (Levi-Strauss)

 

23. Pichet relief blanc mat, Malicorne sur Sarthe (LMDC)

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24. Pichet en faïence des potiers d’Accolay, France (vers 1945-48) (Coll. galerie stimmung)

Imaginé à l'aube de leur inénarrable histoire, ce chef-d’œuvre des potiers d’Accolay est un superbe exemple pour témoigner brièvement de ce pan d’histoire quand, dans la France rurale de l’après-guerre, des artistes réconcilièrent deux approches qui apparaissaient alors opposées : l’esprit libertaire et une mystique chrétienne. À la fois sculpture et tableau, cette pièce inspirée des pots médiévaux du bassin parisien raconte la mythologie de ces potiers, comment il se serait installés un beau jour de 1945 en bord de RN6 pour y créer de la poterie d’art populaire.
La véritable invention des potiers d’Accolay, c’est la une mise en commun des moyens et un usage libre de ces moyens, c’est réellement une communauté qui fit  signature commune sous le nom d’un village alors que les tempéraments les plus variés allaient se révéler sur les tours et au cœur des cuissons du groupe. C’est cette raison qui fait qu’aujourd’hui, sous cette appellation se dresse un terreau illimité relié par le feu et la création à un rêve commun.

 

25. Corbeille équilibre en torons, osier brut, Fabrice Serafino (LMDC)

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26. Seau de sauna en pin, Finlande (XIXe siècle) (Coll. galerie stimmung)

Ce simple seau de sauna finlandais est un chef-d’œuvre ordinaire de l’art paysan nordique. Devant un besoin, l’humain développe une beauté mesurée, attentive, qui magnifie les gestes qui rythment la vie quotidienne. Cette œuvre est aussi un témoignage rare du savoir-faire paysan qui s’exerçait partout sur la planète jusqu’à l’imposition du modèle industriel occidental.
Se rendre sensible à cette beauté simple, c’est peut-être déjà choisir son camp: celui de la vérité des matériaux, de l’indifférence aux hiérarchies de l’art académique, le camp de ceux qui saisissent la beauté où elle est, comme l’outil d’un rapport au monde.

 

27. Sculpture en verre sou é dans un moule sculpté en bois, Antrei Hartikainen, Finlande (LMDC)

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28. Pot couvert de Daniel Cavey en grès, Italie (2017) (Coll. galerie stimmung)

En Toscane, l’américain Daniel Cavey multiplie les angles de recherches et déplie une œuvre sensible et, à divers égards, affranchie du cénacle céramique.
Prodigieux tourneur, il réalise des pièces énigmatiques tandis qu’il enquête en parallèle sur le patrimoine des grès populaires du Maryland dans un travail mêlant archéologie et ethnographie. Son travail interroge le biomorphique et les rapports entre formes libres molles et puissance des arts du feu.
Passionné de cuisson, Cavey mène également des recherches sur les fours céramiques qu’il construit et adapte dans le monde entier.

 

29. Bouteille améthyste en verre de Biot (LMDC)

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30. Vie silencieuse, huile sur toile de Claude Foënet, France (2000) (Coll. galerie stimmung)

Il est des beautés silencieuses qui éclosent sans prévenir. Leurs apparitions sont aussi rares que précieuses, elles ménagent du silence et de l’attention dans le tumulte du monde. Ainsi est l’œuvre préservée de Claude Foënet (1935-2014). Claude Foënet est une figure extraordinaire, il incarne remarquablement l’idéal d’une vie artistique. Peintre, dessinateur, sculpteur, il a, durant sa vie, cherché et chéri un équilibre vital entre son merveilleux artisanat d’encre sur soie, qui assura une vie heureuse et digne à sa large famille recomposée, et un travail très personnel de dessin et peinture dans lequel il insista sur la valeur du silence. Il use de la nature-morte pour habiter son univers intérieur fécond. Il aime les pots, simples, volumes habitant eux-aussi l’espace de nos vies. Il saisit les formes, les couleurs et trouve en ces objets l’appui sensible dont il a besoin et pose les bases d’un décor intemporel où cohabitent théières, bols, verres, vases, coupes que réalisent ses amis potiers. Il s’en inspire, il invente, il détourne. Ces formes, ces corps sont pour lui un outil de pensée. Le banal est son royaume, la discrète et apparente solitude de ces pots devient le pivot d’une réflexion, d’un recueillement.

 

31. Vase en verre soufflé dans un moule en bois sculpté, Antrei Hartikainen, Finlande (LMDC)

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32. Série de trois vases Avena par Tapio Wirkkala pour Iittala, Finlande (vers 1968) (Coll. galerie stimmung)

En cette fin des années 1960, le génial Tapio Wirkkala s’interroge sur des effets de surface capables de sublimer la finesse de la pâte qu’utilise la verrerie finlandaise Iittala. Sensible aux réflexions sur l’idée d'impermanence, il se penche sur l’auto-consommation et la détérioration aléatoire des moules de production, Wirkkala convoque le nature finlandaise et imagine un verre où la paroi miroite en évoquant les effets de la glace qui, au redoux, prend des reflets humides et onctueux en se brisant. À la matière lisse et homogène du verre manufacturé, Wirkkala oppose un modelé fragile, instable, qui porte en lui la puissance d’évocation qu’appelle le sculpteur.
En s’astreignant toujours à une éthique du matériau travaillé, Tapio Wirkkala a eu une influence considérable sur le design finlandais et son travail a formé un jalon essentiel de la reconnaissance de la Finlande comme pionnière dans le design durable.

 

 

33. Carafe conique en verre bleue, L. Brabant et A. Villechange (LMDC)

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34. Vase diabolo de Robert Pérot, Atelier du vieux moulin à Vallauris, France (années 1950) (Coll. galerie stimmung)

Parmi les pionniers du renouveau de Vallauris dans l’après-guerre, certains ateliers dénotent. Parmi eux, l’atelier du Vieux Moulin -ainsi nommé parce qu’il investit le vieux moulin à huile du village- est fondé en 1954 par Robert Pérot et Jean-Claude Malarmey bientôt rejoints par Dominique Baudart. Les trois compères n’utilisent qu’une gamme sourde et limitée d’émaux de leur fabrication qu’ils cuisent au bois. Le résultat est saisissant. N’échappant à aucune remise en question du moment, la fécondité des jeunes du Vieux Moulin aura suffit à marquer durablement leur temps dans ce magma bouillonnant du Vallauris d’après-guerre sur lequel Picasso avait orienté les projecteurs.

 

35. Ensemble de trois assiettes, une de Beatriz Garrigo, une aux  fleurs bleues de la Vaisselle des Cyclades, et une de la collection espagnole (LMDC)

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36. Plat d’apparat en faïence de Delft, atelier De Klaauw, Hollande (fin du XVIIe / débt du XVIIIe siècle) (Coll. galerie stimmung)

Ce plat en faïence de Delft raconte l’histoire d’un temps où l’Europe rêvait encore de percer le mystère de la porcelaine. Alors que les véritables porcelaines chinoises atteignaient des valeurs indécentes, les hollandais imaginent de produire en Flandre une faïence imitant les porcelaines bleu et blanc de l'Empire chinois. Formes et motifs interprètent la seule surface d’une matière que l’Europe ne saura produire qu'à partir du premier quart du XVIIIe siècle.

 

37. Ensemble de petits pots à lait, poteries savoyardes (LMDC)

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38. Service d’assiettes en terre vernissée à décor au barolet, Savoie, France (vers 1900) (Coll. galerie stimmung)

En Savoie depuis plusieurs siècles se déploie un savoir-faire potier d’une sublime simplicité. Tout y est terre. Aucun émail coloré ne vient surligner un décor que le potier ou la potière trace par geste sûrs à l’aide d’un barolet, une petite poire permettant d’appliquer sur une pièce un décor à partir de terre colorée liquide déposée dans un geste rapide. Cette production quasiment disparue étonne aujourd’hui par sa beauté simple, évidente et profonde.

 

39. Gargoulette Coq, Espagne (LMDC)

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40. Sculpture zoomorphe / épi de faitage en grès de Puisaye - Atelier (michel) Mallet, France (1958) (Coll. galerie stimmung)

Dans ce lointain après seconde guerre mondiale, l’atelier Mallet, dépositaire d’une lignée de potiers œuvrant de longue date à Saint-Amand-en-Puisaye, se prête à l’exercice de style de l’épi de faîtage orné d’un coq. Descendu de son toit, il redevient ce qu'il a toujours été: une simple et audacieuse sculpture au modelé qui questionne aussi la sculpture contemporaine de son temps.

41. Grande bouteille verte façonnée par Gilles Compas, Vallauris (LMDC)

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42. Vase‑bouteille par Claude Bignens, Atelier Claude & Yvon, France (vers 1956-60) (Coll. galerie stimmung)

Dans le renouveau de l’artisanat qui anime les années 1945-78, une foule d’ateliers passionnants essaiment en France. En Bretagne, Claude Bignens (1935-1991) s’installe à Pointe Saint Mathieu vers Pougonvelin pour y produire une céramique de belle qualité où respirent les sublimes lumières des journées de tempête.

 

43. Ensemble de bougeoirs en grès, Claire Pain, France (LMDC)

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44. Paire de flambeaux par Gunnar Ander pour Ystad Metall, Suède (vers 1960) (Coll. galerie stimmung)

Dans ce magnifique modèle de flambeaux, le légendaire Gunnar Ander puise son inspiration dans la nature: le bouton florale sert de matrice au fût simulant une germination stylisée figée dans le laiton poli. Architecte et designer, Gunnar Ander (1908-1976) fut l’un des éminents fers de lance du design suédois d’après-guerre. Personnalité aux talents multiples, il incarne une certaine figure de l’artisanat nordique.
Capable de saisir les enjeux de médiums divers, d’équilibrer son dessin pour sublimer les impératifs de production, Gunnar Ander incarne ce qui en Europe du Nord explique la porosité féconde entre artisanat et design.

 

45. Cache-pot tête Sicilienne Citrons, poteries siciliennes (LMDC)

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46. Vase à décor anthropomorphe, Entourage du mouvement CoBrA, Danemark (vers 1955) (Coll. galerie stimmung)

« Beau, laid, impressionnant, dégoûtant, sans signification, sombre, contradictoire, etc. Cela ne fait aucune différence, tant que la vie se déverse avec vigueur. » disait Asger Jorn, principal animateur du mouvement CoBrA.
Surgissant du passé, cette figure étrange nous hypnotise en mettant sens dessus dessous les critères de la beauté et de l’usage.



47. Corbeille en grès façonnée par Claire Pain, France (LMDC)

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48. Hanakago, Panier / corbeille cylindrique pour l’ikebana, Japon (Début de l’ère Shōwa) (Coll. galerie stimmung)

«Que serait le Japon sans le bambou? À quoi n’est-il pas utile? »  interrogeait le peintre Félix Régamey au début du vingtième siècle. Ce simple panier de bambou est issu d’une longue tradition vannière qui depuis le XVIe siècle utilise le bambou pour dessiner de merveilleux vases à fleurs. Au Japon, le bambou est la plante à tout faire, les Japonais aiment à rappeler qu’il reflète la modestie et la pureté des lignes construites autour d’un vide qui disposent tout autant à la droiture qu’à l’élégance.
L’art japonais a eu l’intuition philosophique que le vide, le rien, ce qui n’existe pas n’empêche nullement à ce rien d’être malgré tout quelque chose, qu’il y a un mode d’être de l’inexistant. Une place au vide.
Parfois ce rien permet même l’élaboration d’un projet ou la fixation des formes du tangible, comme si ce rien servait de support à l’avènement d’un quelque chose.
C’est ce vide qui est justement au cœur de la spiritualité des maîtres Zen.

 

49. Figurine Coq en bois, réédition de Georges Martin, France (LMDC)

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50. Sculpture animalière, coq, en grès de La Borne par Guy Bernon,
France (années 1970-80) (Coll. galerie stimmung)

Guy Bernon, héritier d’une longue lignée de potiers de grès en Haut-Berry dans le fameux village de La Borne, cite dans cette pièce l’imagerie traditionnelle bronoise au travers d’un remarquable travail naturaliste semblant saisi sur le vif. Vivants parmi les vivants, l'artiste témoigne d'une acuité d'attention capable de dire des relations plus intimes que ce que tous les bestiaires et inventaires savants peuvent saisir.
  L'artiste mue en chaman et rend sensible à ses semblables la subjectivité du vivant. Il outrepasse les seuils de la vision moderne, sa façon laisse respirer des gestes, sentir des mouvements et des usages où se lisent ces parentés déniées. Elles disent une position, des qualités d'attention à même de saisir d'autres manières d'être vivants et d'habiter ensemble la Terre.



 

 51. Fauteuil en châtaignier, France (LMDC)

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52. Fauteuil monoxyle paysan dit «Kubbstol», Suède (début du XXe siècle) (Coll. galerie stimmung)

Quelqu’un se propose de garnir la maison d’un fauteuil qui rendra plus douce l’installation des enfants à la veillée. Une souche en sera la matrice, on la creuse et elle devient un trône pour ceux qui ne cherchent pas à régner dans le mouvement de la vie paysanne suédoise.

 

53. Pichet "galuchat" en grès canard, Sophie Spinosi, France (LMDC)

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54. Vase «peau de requin» Art Nouveau par l’Atelier de Glatigny, France (vers 1900) (Coll. galerie stimmung)

En 1897, un groupe d’artistes, de potiers et de chimistes, se rassemblent autour d’Alfred Le Chatelier pour mettre en commun leurs efforts de recherche sur les glaçures. Ils fondent l’atelier de Glatigny, non loin de Versailles, afin de produire une céramique extrêmement exigeante. Les œuvres sont uniques et produites en toute petites quantités durant les cinq années où existe l’atelier. On connaît de sublimes porcelaine à effets cristallins et des grès à émaux flammés japonisants mobilisant des matériaux inédits importés des colonies d’Afrique et du Pacifique Sud.
La production restera anonyme, seulement signée du sceau du collectif incarné dans le patronyme de la ville. L’historiographie sait aujourd’hui qu’y œuvraient les époux le Chatelier mais aussi Henry et Pierre Roche, le chimiste Paul Chapuis ou encore Felix Massoul et Elisée de Loisy.
Le succès est au rendez-vous, puisque l’atelier ouvre une galerie Rue Saint Honoré en 1899 avant d’être bien reçu à l’Exposition universelle de 1900 où des pièces figurent notamment dans le décor de Louis Majorelle.

 

55. Ensemble de pichets à eau et à lait, La Maison de Commerce, France (LMDC)

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56. Ensemble de pots en grès de Puisaye, France (XVIIIe et XIXe siècles) (Coll. galerie stimmung)

Ces trois chefs-d’œuvre ordinaires des potiers de Puisaye, nous proposent un voyage dans le temps et l’espace.
Un voyage assez puissant pour relire ces objets connus d’un endroit méconnu, depuis une position qui offre une autre rapport au monde que celui que l’Occident moderne nous a laissé en héritage. Si le Japon nous a permis d’envisager d’autres appréhensions de l’art, malgré la découverte des bols et objets de la cérémonie du thé dont le japonisme va s’emparer sans mesure, il est resté un paradoxe étonnant: pourquoi avons-nous adulé les objets d’un modèle philosophique et spirituel nippon sans en saisir l’usage que nous pourrions en faire à notre endroit? Pourquoi, à de rares exceptions près, n’avons-nous pas réussi à faire usage -ici et maintenant- de la puissance non-située de la leçon nippone? Il me semble que ces équivalents matériels des objets du thé nous les avons sous les yeux. Ils sont aussi chefs-d’œuvre, épiphanies d’un autre rapport à la beauté quotidienne et à l’usage. Ce ne sont évidemment pas des bols à thé comme chez les japonais du seizième siècle mais de simples pichets, des pots à salaisons, des toules à huile, des pots à lait, des pots à rillettes fabriqués durant plusieurs siècles dans nos creuset régionaux et particulièrement en Puisaye et dans le Berry (La Borne et le Bas-Berry), terres de grès.

 

57. Tabouret tripode en chêne tourné par Antonis Cardew, France (LMDC)

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58. Grand tabouret tripode en chêne, Royaume-Uni (milieu du XXe siècle) (Coll. galerie stimmung)

À l’orée de l’après-seconde-guerre, une nouvelle génération d’artisans du bois sensibles à la force et à la beauté simple des matériaux naturels trouve une visibilité inédite. Dans un monde où le plastique et les matériaux de synthèse tendent à s’imposer dans le sillon du conflit mondial, ces artistes séduisent alors une petite clientèle inspirée capable de saisir cette beauté sauvage sans artifice. Leurs mains caressent le bois, et, selon l’essence de son choix, elles visent à rendre majestueux les reflets de la maille, le rythme des cernes, les accidents des nœuds, la rudesse de l’écorce. L’art se fait d’abord choix du matériaux, choix d’un morceau dont il s’agira d’éclairer la beauté cachée Chaque pore, chaque fibre devient le pivot d’une relation à l’artiste qui convoque la mémoire d’un été sec, d’un hiver rude, d’une tempête sauvage ou d’un printemps inondé. La gouge et le couteau soulignent, coupent et creusent le bois en une étreinte intime.
Le bois ne se laisse pas facilement magnifier, il impose une lecture, demande de l’attention pour se prêter à cette partie de cache-cache avec les souvenirs de sa propre vie.

 

59. Tabouret de laitier en noyer tourné par Antonis Cardew, France (LMDC)

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60. Tabouret de traite, art paysan, Suède (XIXe siècle) (Coll. galerie stimmung)

Et si l’art n’était pas uniquement là où on le voit?
Et si la modernité occidentale avait coupé des liens possibles entre la vie quotidienne et l’art?
Et si la beauté pouvait se rencontrer dans le banal, le simple, le quotidien?
Et si cette beauté était l’expression matérielle, intuitive d’une vérité déposée ou présente dans les choses?
Et si cette vérité des choses œuvrait à notre être au monde?
C’est à toutes ces questions que ce Chef-d’œuvre ordinaire de l’art paysan suédois commence à répondre. Cette œuvre est un témoignage rare du savoir-faire paysan qui s’exerçait partout sur la planète jusqu’à l’imposition du modèle industriel occidental. Il raconte un art entrelacé dans le flux du monde, un regard vers la matière et ses possibles rapports aux usages.
Se rendre sensible à cette beauté simple c’est savoir saisir la beauté où elle est, comme l’outil d’un rapport au monde.

 

61. Panier Trugs n°5 en lamelles de bouleau (LMDC)

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62. Panier paysan en lamelles de bouleau patiné à l’ocre, Suède (XIXe siècle) (Coll. galerie stimmung)

Ce panier est un modèle exemplaire de la belle simplicité de la vannerie de bouleau suédoise. Sans que l’arbre ne soit abattu, les paysans prélevaient des bandes d’écorces et d’aubier des bouleaux ornant le paysage de leurs vies. Habilement tressée, cette matière permet des formes simples ponctuées de nœuds réalisés en racines de bouleau. Badigeonné à l’ocre pour le protéger des insectes xylophages, il surgit du passé pour nous conter un temps oublié où la vie quotidienne se tressait avec les besoins et les rites, les usages vitaux, les fêtes populaires et autres célébration dans lesquels la beauté se déployait d’abord dans les objets nécessaires.

 

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Crédits : LMDC / photos © Laurine Paumard + © galerie stimmung (texte et images) / photographies par Leang Seng

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