Le 10 mars prochain, j'aurai la joie d'animer la séance du séminaire Scènes de la division politique dirigé par Bernard Aspe et Patrizia Atzei dans le cadre du Collège International de Philosophie.
Dans cette intervention, je chercherai à faire justice aux choses, à éclairer à travers diverses voies, comment les choses -le non vivant- agissent en complicité avec le vivant pour dessiner une vie plus riche, plus émancipée de l'ordre existant.
Cher.e.s ami.es,
La pensée révolutionnaire pense s'interroger sans cesse sur la consistance de la vie quotidienne, sur les rapports d'alliance et de division qu'entretiennent les sujets mais certaines dimensions en sont oubliées.
Le dernier quart du vingtième siècle fut ainsi le théâtre d'une perte sur le sens qu'il y a à invoquer la pâte du quotidien, cette matière à qualifier ce qui fait une vie.
Dans notre prochaine séance du séminaire, je propose de sonder ensemble l'origine de cette perte et de questionner l'outil que forme une certaine idée de l'art pour « relancer une réaction sensée aux objets ». Ce sera l'occasion de saisir, dans nos vies, des rapports inédits capables de dessiner dans le présent une scène de la division politique.
Pour cela, il s'agira, au départ, de saisir succinctement comment s'est opérée à partir de la Renaissance la substitution de l'idée d'art comme éthique, par l'idée de l'art comme sphère séparée et économie institutionnalisée qui pense son usage comme un à-côté inoffensif du réel.
Il me semble que l'art rendu à son épaisseur oubliée, semble prometteur pour restituer aux choses leurs significations érodées par l'usure de l'habitude, par la paresse de la mémoire et par le positivisme. L'art est une Voie qui nous introduit à ce qui nous tient le plus à cœur, le sens inépuisable des choses.
Comment retrouver ce sens de l'art ? Comment « redonner une épaisseur sensible à la révolution sans lui ôter sa vertu émancipatrice » ?
La figure de William Morris (1834-1896) nous servira de pivot pour saisir ce qui arrive lorsque l'art redevient magie de faire exister différemment le monde.
On saisira peut être que l'artefact est donc bien moyen -et non fin- et que le souvenir qui l'auréole est une arme dans les luttes.
Parmi ceux qui ont le temps de questionner et de mener véritablement une vie quotidienne où s’accroissent une puissance et un devenir-sensible, figure justement l'artisan. Celui qui œuvre et tente dans ses gestes de fonder un être au monde qui est aussi réseau de relations affectives et sensibles aux autres, aux choses, au cosmos, aux plantes, au non-vivant en actualisant des complicités possibles.
Il s'agira sur ce terrain particulier de ré-élargir l'horizon du futur en empruntant cette voie capable de nous faire rompre avec l’allégeance à un ordre des choses qui suppose une domestication de nos rapports et dont il faut nous libérer.
Cela convoquera une constellation de pensées, en apparence non liées, pour saisir différentes formulations des rapports entre art et vie quotidienne.
Ce chemin nous permettra, je l'espère, de peser des intuitions et de nourrir nos questionnements sur ce qui est à l’œuvre dans des gestes aussi simples que partager un repas, boire un café, et peut-être entendre ce que la tasse qui nous aide à le boire porte de puissance en elle.
On pourra aller à la rencontre de l'épaisseur de la vie, chercher à comprendre un rendez-vous entre un avant et un présent et sentir que c'est dans la densité du vécu que les sensations peuvent exposer leur vérité: de quoi elles sont faites et ce qu'elles nous font.
À mardi prochain!
Mise à jour: Le texte de la séance intitulée J'ai des souvenirs qui ne sont pas les miens est maintenant disponible ici.
Augustin