À l'occasion de l'exposition La poésie de la terre ne meurt jamais, l'art paysan suédois, il m'a semblé intéressant de mettre ici en avant le premier travail de commissariat d'exposition que j'avais mené en 2009-2010.
Je rentrais alors d'un voyage en Suède, et par-delà les premières rencontres avec les beautés délaissées de la Suède d'autrefois, une chose m'avait particulièrement traversée.
La découverte, au-delà du cercle polaire arctique, de Kiruna, principale ville de Laponie suédoise, avait été pour moi le seuil d'une révélation plus importante sur un état de violence qui n'a cessé de croître depuis, partout où la prédation est un motif de l'humanité.
Voici donc une fable amère, un syndrome décrit dont Kiruna fut la matrice et qui résonne malheureusement trop bien avec notre présent.
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NB. Les textes suivants ont tous été écrits en 2009. Ma vie, ma maturité, mon écriture, mes pensées, mon adresse e-mail ont évoluées mais le fond reste valable, je l'espère, par-delà de ses évidents défauts.
Merci à celles et ceux qui étaient déjà-là et qui demeurent près de moi aujourd'hui.
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À l’été 2009, je proposais à quelques personnes de réfléchir autour d’un texte.
Sans autre préambule, sans contexte, je leur adressais une invitation à réagir à un court extrait.
La nature désincarnée et opaque du support devait être l’anti-cadre de leur réflexion.
La lecture, les relectures devaient, dans mon esprit, offrir à chacun la possibilité de réagir.
Issus d’origines diverses, professionnels ou amateurs, compétents, conscients, ou les deux, ils ont accepté la mise en situation.
Pour la plupart empreints de pratiques personnelles indépendantes des idées véhiculées par le texte, il incombait à chacun des auteurs d’opérer le retour sur soi qui devait donner sens à sa proposition.
Qu’évoque pour chacun un tel avertissement délocalisé, déraciné mais temporellement palpable ?
Ces dix visions ont pour logique commune d’avoir été les réactions à une même pensée.
En composant un cadavre exquis autour de cette proposition, il s’agit de penser collectivement une bribe de souvenir, de le sonder, de sentir la mémoire comme la base d’une euristique de la pensée humaine.
En écho aux motivations de connaissances qui irriguaient la proposition, nous vous offrons maintenant d’agir, de naître avec le monde et donc de s’interroger.
La conscience justifie cette confrontation au théâtre de notre existence, que l’on soit spectateur, acteur, personnage ou personne.
« L’art » n’est alors que ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être, un moyen d’expérimenter la vie.
LE SYNDROME DE KIRUNA n’est pas une exposition d’art, d’architecture, de géographie ou de design.
C’est une incursion dans la difficile mise en perspective de nos existences à l’échelle du monde.
Un moyen.
C’est, comme devrait l’être toute création, la simple matière à une remise en question de l’organisation de nos vies.
LE SYNDROME DE KIRUNA est un rappel à ne jamais cesser de contester ce qui semble être.
Augustin DAVID, avril 2010
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Texte proposé aux intervenants en amont
« Il y a pour la minorité consciente obligation d’agir, sans tenir compte de la masse réfractaire »
LE SYNDROME DE KIRUNA
Alors que pour la génération précédente, certaines voix s’obligeaient à alerter le sens commun face à une dégénérescence où régnait l’hégémonie de l’avoir sur l’être, une « Génération Néant » s’est voilée la face en dépit des multiples invocations de la minorité consciente.
Inspiré fut celui qui scanda « in girum imus nocte et consumimur igni».(1)
Cette génération qui accusait ses 25 ans vers 1978 est restée dans ses rails, elle a fui face à ses excès, elle a oublié le pas de coté salvateur pour aujourd’hui parader dans un individualisme dont elle s’accommode confortablement.
Ses enfants empruntent toujours le même sentier rapiécé.
L’amnésie massive est-elle soluble dans notre instinctive animalité ou saurons-nous, enfin, sortir du cadre et intégrer notre histoire?
[…]
1.Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu
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Mise en situation
« Je n’ai jamais vu une telle bande de mangeurs de pommes »
Theodore McArdle
Descendez du train et levez les yeux.
À gauche, une montagne acéphale transformée en piste de ski.
Devant vous, la ville. Illustre. « Son hôtel de ville, sa fabuleuse église Saami ».
Elle s’étend des quais de la gare -des anciens lacs disparus- au sommet de la colline, face au soleil.
Derrière vous, l’autre Kiruna, Celle qui justifie cette implantation à l’extrême nord de la Suède.
La mine.
Vous êtes où la montagne est fendue, où la terre gronde la nuit sous les fracas de l’explosif.
L’exploitation à ciel ouvert a modifié les reliefs environnants et en trois décennies les galeries creusées et le filon ponctionné ont fait du sous-sol une matière amollie, sans mémoire, qui s’affaisse le long du rift dégagé et entraîne fatalement dans son glissement la ville entière.
La ville aura commencé à sombrer dans les trente prochaines années.
Mais vous pouvez souffler… la fuite est organisée.
La ville autophage, la cité sacrificielle a scénarisé sa fuite.
Les administrations minière et publique ont érigé la parade en cérémonie. Au nom maculé du progrès, elles s’enorgueillissent d’éviter la chute et ont lancé un titanesque programme de déménagement global de la ville sur un site distant de quelques kilomètres.
Voici la population sauvée de la glissade sans compromettre l’essentiel, l’exploitation des sols.
Et d’aucuns décident de faire de Kiruna une icône de la création destructrice, un symbole de la fuite amnésique de l’homme face à ses excès.
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PARCOURS
Rien à voir # Olivier SÉVÈRE
Olivier SÉVÈRE (né en 1978)
Rien à Voir
Marbre, acier, miroir, ampoule
90 x 45 x 40 cm
2009
Du langage et de la pensée lequel contraint l’autre ?
Avec Rien à voir, Olivier Sévère concentre nos sens.
L’installation interroge en un même mouvement notre relation au langage et à l’image,
Rien à voir est un appel à défier l’univocité et les apparences qui incarcèrent nos visions.
"Une plaque de marbre portée par un piétement en acier reprend la structure d’une table. Une ampoule suspendue effleure le plateau en marbre. Sous ce dispositif se trouve un miroir grâce auquel on lit au-dessous de la plaque, l’inscription « rien à voir », gravée dans le marbre et rendue visible par transparence de la lumière."
Ainsi naît un paradoxe.
L’homme s’est-il formé un langage, une structure pour penser et énoncer ses pensées ? Ou a-t-il modelé sa pensée à partir d’un socle commun à l’humanité, son langage ?
Médiateur incarné du rapport à l’altérité, ce langage, s’affranchit parfois de son énonciateur pour stigmatiser par sa richesse les failles, circonvolutions et troubles de la pensée.
On savait déjà que la pipe de René Magritte n’était pas une pipe.
Ici Olivier Sévère interroge les limites de nos figurations mentales et de notre langage.
Tel le paradoxe crétois, ce qui s'énonce comme un constat par les mots se contredit dans le même mouvement par la raison.
En rendant visible par la force de l'énoncé ce qui devrait ne pas l'être, le lecteur est invité à reconsidérer la valeur du mot, dans son contexte, dans sa force d'allusion et dans ses "vérités variables".
L’artiste a nommé Rien à voir ce matériel indéniable, il a fait « dire » Rien à voir à cette installation et il a ainsi troublé nos sens. Car si le rien est ontologiquement qualificatif de quelque chose, est-il pour autant ineffable ?
Le rien nommé est-il toujours le rien ? Le rien qui se montre, qui se lit, est-il toujours le rien ?
C’est surtout une matière à l’anti-concept.
Cette vacuité affirmée mais pourtant contredite par nos sens révèle d’autres ambivalences.
L’artiste se joue de la pensée métaphorisée en lumière et c’est ainsi la lumière faite qui informe qu’il n’y a Rien à voir. C’est la lumière qui enseigne du paradoxe. Elle est la métaphore matérialisée d’une euristique contrainte.
L’Occident qui a fondé une dichotomie entre lumière et ténèbres est malmené.
Est-ce vraiment dans la lumière, dans l’idéal de transparence, dans la focalisation du rayon que peut s’épanouir la pensée humaine ?
C’est sans compter que sa lueur est parfois aveuglante. En niant l’opacité des choses, on nie les mystères et le fil conducteur de l’énigme à résoudre.
La déconstruction outrancière, guidée par la volonté dogmatique d’éclaircir tout sujet, participe de l’invisibilité des couches inférieures au profit de la seule surface visible et tente de légitimer une réduction qui n’offre en fait à notre regard que la flagrance de son inconsistance.
S’il n’est Rien à voir dans ce halo, c’est peut-être parce que c’est dans l’opacité, dans la dimension irréductible et insondable de l’humanité que se forme la pensée.
Dans le même mouvement Rien à voir sonde encore notre rapport à l’image.
La plaque de marbre, la matière elle-même, ne trahit rien de son potentiel malgré la lumière qui l'éclaire, c'est en réalité le truchement de l'image, le reflet qui nous révèle ce "rien" qui est à voir.
Le reflet devient le révélateur d’une vérité fausse ou plutôt la trahison d’une vraie falsification.
Dans un cadre social où l’image à acquis une valeur d’icône, où ce qui est rendu visible est, sans médiation aucune, auréolé du sceau du vrai, il convient de s’interroger sur notre autonomie.
C’est souvent la réduction à l'image, la conceptualisation, le reflet ostentatoire de la chose vécue, davantage que la chose elle-même qui composent nos lectures.
Le gavage est plus que jamais à la mode et mieux vaut encore vomir.
Olivier Sévère nous met les doigts au fond de la gorge et nous l’en remercions.
Syndrome +40 # Alexandra BAUDINAULT
Alexandra BAUDINAULT (France - née en 1979)
Syndrome + 40
Carton, feutre, stylo
50 x 65 cm
2009-2010
Alexandra Baudinault s’est plongée dans les galeries souterraines et les puits sans fond de Kiruna.
Géographe, elle a investi le matériau brut du texte pour s’immiscer dans le corps physique du Syndrome de Kiruna.
Elle a enquêté puis composé un étrange tableau, une projection normée d’un autre monde. Un territoire témoin, à la fois preuve normalisée d’un mouvement en marche et systématisation d’une trame encore ténue mais bien accrochée.
À Kiruna-la-Vraie avec les acteurs demi-habiles, locaux et internationaux, on a inauguré une pensée artificielle sans mesure.
Une rapide recherche sur le sujet permet à quiconque d’humer le bel exploit qui se joue sous nos yeux ébahis. Le cirque du XXIe siècle même au-delà du cercle polaire, fait dans ce coin reculé salle comble.
Les « humains » ont « conquis » cette terre…qui nourrissait déjà le peuple saami. Ils ont flairé les richesses naturelles du sous-sol et Kiruna est née.
Aujourd’hui chacun croit pouvoir se féliciter des solutions de déménagement envisagées et la spécialisation de l’espace trouve un souffle inespéré.
Dans l’espace cartographié par Alexandra Baudinault, Kiruna est devenue un îlot.
Ici point de géographie, le langage cartographique devient une écriture du futur, une présentation-programme d’une logique plausible.
Chacun demeure libre de lire ce scénario, d’envisager les tenants de ces évolutions et d’en tirer ses propres lectures.
Dans ce monde d’un nouvel ordre, les métamorphoses successives ont érigé un cadre sur-spécialisé.
La séparation de la vie est un leitmotiv et à cet état les espaces suivent les mêmes postulats.
La vie est censément « rassemblée » en un domaine protégé, les autres espaces sont intégralement et spécifiquement dévolus à des filières d’activités.
Le monde est ordonné, rangé selon une norme d’affectation précise et les priorités sont lisiblement énoncées.
Les circulations sont organisées, le but de chaque espace cadré et celui dévolu « à la vie » forme une oasis insulaire, un jardin d’Eden artificiel, figé et borné par son insularité et les affectations de ses zones frontalières.
L’ordonnancement est aussi affaire de sacrifice et le rapport à un ailleurs est à peine suggéré. Dans cette autarcie nationalisée, une loi du cadre la plus précise structure l’existence.
Cette projection est en réalité un exercice de prospective. C’est la systématisation par le renversement du réel et la mise en perspective de ce qui chaque instant s’augure sur notre planète, de Kiruna à Thilafushi, l’île décharge des Maldives, de l’îlot intérieur au périphérique parisien à Soweto.
C’est l’image d’un monde qui élève les séparations, qui lutte sans se l’avouer pour refouler tout mélange, tout vivier et n’existe que dans la réduction de toute pensée à son affectation.
Syndrome + 40 est aussi une parodie cynique, une mise en question des valeurs qui justifie nos attaches, un effarant tableau à perspective fuyante.
À partir du vocabulaire factuel et distancié du langage cartographique, c’est ce qui s’impose par sa seule existence qui est pesé.
Dans un monde où la mondialisation et l’assimilation ne se cachent même plus, où la circulation facilitée des choses s’oppose fondamentalement à celle contrainte des êtres, l’insularité idéologique devient un triste guide spirituel.
Vous pouvez mettre cette image au mur, l’encadrer s’il vous plaît même, c’est une projection d’un futur déjà-là.
Le réalisme du XIXe siècle avait inauguré pour quelques-uns l’indifférence à la signification du sujet, voici venu le réalisme vif du XXIe siècle celui de l’indifférence à l’esthétique de la forme. Un réalisme virulent et sec, celui qui ne met plus les formes à montrer le réel, celui qui conjugue le possible au réel et regarde nos mines déconfites et perplexes se questionner sur cet improbable déjà réalisé.
À moins que ce ne soient des airs d’ignorance ? Alors, le pire est en marche, nourri d’une confiante résignation.
Heartland # Eli DURST
Eli DURST (U.S.A - né en 1989)
Heartland
Série de 6 tirages photographiques
Papier RC (resin coated) à impression jets d’encre
17 x 22 pouces (43.2 x 55.9 cm) par tirage
2009
Eli Durst s’intéresse aux liens discrets entre les fondements profonds d’une culture populaire qui l’anime et le déclin d’un idéal sacramentaire décharné.
A partir d’un fragment de mémoire familiale fixé en l’observation de la ville de Russell (67665 KS, 4280 habitants) au Kansas dont sa mère est native, il s’est questionné sur l’amnésie galopante d’une société qui a sacrifié une éthique et qui subit aujourd’hui le revers de son obstination d’avoir substitué les moyens au résultat.
La société américaine est fondée sur une double fiction : elle a forgé un idéal de Nation dont le Melting Pot serait le postulat fondateur et elle se veut la personnification du mythe de la libre entreprise, persuadée que l’American way of life est l’incarnation parfaite d’un monde où les intérêts particuliers convergent en un intérêt commun.
Russell est une émanation quelconque de ce double postulat.
Née à la fin du XIXe siècle, la ville s’est développée au cours du siècle suivant pour soutenir l’activité agricole et pétrolifère. La ville où Madame Durst a grandi dans les années 1950-60 était, à l’image de milliers d’autres villes, une vitrine de l’Amérique moderniste. Un lieu « où il faisait bon vivre », où la vie sociale codée s’organisait en de multiples émanations censées assurer la cohésion et où l’opulence économique devait poser les fondations d’un vouloir vivre ensemble.
Aujourd’hui, ce village est surtout la victime d’une mémoire sabotée. Russell est une non-cité, une molécule du système neurologiquement atteint.
La mécanique sur laquelle elle s’est développée était peut-être viciée à l’origine, reste qu’aujourd’hui sa logique et sa capacité à Être sont rompues.
Les années 1950-60 aux États-Unis, surtout dans l'Amérique rurale, transpiraient un optimisme consommateur. Même dans les villes isolées des centres économiques, s’imposait l'idée que l’on pouvait créer un monde parfait et idéal en s’appuyant sur les bases offertes par l’économie du marché et sa miraculeuse autorégulation.
Sur toile de fond de crise, d’aucuns ont cru pouvoir annoncer la fin d’un système, ou du moins la fin des dérives d’un système dont ils ne remettaient pas en jeu le bien fondé. Le train a pris un coup mais n’a pas déraillé et sa route étroite et cadrée s’étend encore inébranlable devant lui.
Dans les clichés d’Eli Durst ce n'est pas un capitalisme américain qui est en train de disparaître, mais plutôt la classe moyenne et sa culture populaire. Celle là même qui avait cru le plus fébrilement devoir jouir des « avancées » générées par l’activité économique dont elle était la machinerie et l’huile est aujourd’hui méprisée. Elle est un monde qui est en train de mourir et ses acteurs sont les spectres vivants d’un monde fantomatique.
Le photographe interroge sa mémoire fabriquée par les récits familiaux, il la confronte avec le spectacle de décrépitude que son regard saisit. L’humanité, le cœur d’une nation tourne ici au ralenti et ce monde est un vague reflet troublé de ce qu’il voulait montrer.
Si la prospérité a quitté les lieux, ceux qui les ont habités sont encore là et le dépit a pris sa place refroidie
Les boutiques en prostitution, les vernis écaillés, les sourires froids et honnêtes donnent une perspective nouvelle. Le « Elk club » -haut lieu de vie locale- est à peine l’ombre de lui-même et la sociabilité qu’il a abritée dans son temps de vive activité laisse place au poids du vide.
En ce sens, la photographie d’Eli Durst est directe. Elle réfléchit et a en elle la force de médiation entre son propos et sa réception.
Son regard ne juge pas, ne critique pas, il simule l’inventaire, s’arrête ci et là et sonde au-delà.
En mélangeant une mémoire personnelle avec celle d’une culture américaine qu’il s’ingénie à pénétrer toujours davantage, Eli nous permet d’excentrer nos visions.
Nos regards européens, nos difficultés à ingérer les tenants d’une culture qui s’est donnée d’autres atours que les nôtres, forcent nos méprises et son regard doit nous impliquer.
Plus que Russell, c’est l’oubli qui en est le sujet. L’oubli collectif, le détournement de regard, le renoncement personnel et la perte des repères qui se sont figurés fallacieux.
En somme, Eli Durst se présente comme le témoin du néant accouché d’un optimisme mal fondé et aveuglant. Comme dans l’idéal de clarté moqué dans le projet d’Olivier Sévère c’est ici la cécité temporaire que les images révèlent.
Du luminisme certifié d’un idéal culturel, il se détourne et gratte, révèle dans les couches découvertes les destins abandonnés à leur sort, les bons moments disparus, les désillusions d’une course yeux bandés.
Ici demeurent visibles les traces d’une fuite en avant tête baissée, une course sans vainqueur, sans concurrent, une course droite sans détour sur la mince ligne dictée à l’avance pour les temps à venir.
La route est plus large que longue.
Écarts # Joseph DEBRUYN
Joseph DEBRUYN (Pays-Bas - né en 1977)
Écarts
Techniques diverses
Formats divers
2009-2010
Par son intervention dans cette présentation, Joseph Debruyn dénote. Il ne s’encombre pas d’une discussion préalable et d’une prise de contact, il se jette dans la fable.
Partant du postulat insouciant que la situation de Kiruna est connue et que le syndrome de Kiruna préexistait à cette initiative, il a imaginé une installation minimale.
Son intervention se résume à l’action, il découpe et fait cohabiter trois formes. La redondance devient son vocabulaire et l’évidence du propos forme l’attribut brutal de son idée.
En trois temps, il intervient à minima.
En un lieu il dispose quelques formes feintes en un assemblage décomposé.
Ailleurs il attaque une toponymie et déguise mal un parachutage qui rappelle le largage de quelques élus en verte campagne.
Plus loin des volumes se déplacent en un ordre signifiant.
En fait, l’auteur de l’installation se pose en rhéteur.
À partir d’espaces différenciés, il aborde trois fois la même idée, il aménage un discours appuyé, une flagrance où les pièces se donnent des allures de ce qu’elles ne sont pas.
D’une autre manière qu’Olivier Sévère, il implore froidement le regardeur de prendre la mesure de la supercherie d’un énoncé. Ce qui s’énonce est maquillage.
D’un nom « puzzlé », d’un placage artificiel et correctif de noms, et d’un tour de passe-passe volumétrique il fait un symbole.
Kiruna, la déplaçable, cité nomade malgré elle, celle que l’on croit pouvoir reconstruire sans heurter ses racines est caricaturée.
Prenez un homme, déplacez-le hors de son milieu, loin de ses proches, empêchez-le de vivre son existence comme il s’est construit…il est perdu, il n’est plus que l’image esquintée de lui même, l’enveloppe visible de ce qu’il était.
Il n’en est pas autrement pour une ville.
Prenez la tour Eiffel à Paris, les pyramides à Gizeh, des jardins tropicaux luxuriants, mettez les ailleurs…au mieux vous découvrirez Las Vegas et son pastiche spectral.
Idem à Kiruna.
De son nom à son église, de ses maisons à son hôtel de ville, de ses habitants à ses rues, L’attachement à ses seuls symboles tangibles, ne saurait faire mieux que grimer la réalité et la « Kiruna+ 4 kilomètres » n’est pas Kiruna.
C’est cette inconsistance, cette réduction improbable que vise Joseph Debryun. Discret sur ses réflexions et son étude de cas, il hèle les passants en écaillant le vernis.
Hors du cas Kiruna, faire-valoir commode d’une diatribe contre le prêt-à-penser et la résignation mortifère, c’est le mécanisme grossier mais occultant d’une doctrine qui est visé.
Les plus gros mensonges sont les moins questionnables sauf si l’on gratte sous la surface.
La vérité est souvent silencieuse… mais chacun peut tendre l’oreille.
(chuchoté) "On a tort de sourire du héros qui gît en scène, blessé à mort, et qui chante un air, au théâtre. Nous passons des années à chanter en gisant".(1)
1. Lettre à Milena (Briefe an Milena), F. Kafka, Ed. Schocken & Gallimard, 1952.
Bricks (Mattone) # Fabien CAPPELLO
Fabien CAPPELLO (France - né en 1984)
Bricks (Mattone)
Briques et verre de Murano
21,5 x 11 x 5,5 cm (configuration variable)
2009 / 2010 (projet en cours)
Fabien Cappello est designer. Pas ce type de designer qui s’insinue dans nos lectures et nos emplettes pour arroser nos visions de formes péremptoires et démonstratives. Il n’est pas plus de ceux qui, en exécutant zélé de la sphère médiatico-industrielle, bachottent laborieusement au trivial et incessant renouvellement de la marchandise. Il n’est pas plus encore créateur, styliste, designer industriel et que sais-je.
Il agit, il s’entoure, il apprend et propose.
Lui, réfléchit à l’environnement des hommes. Il cherche dans les choses de la vie sociale la manière d’accompagner l’homme dans une existence par trop désincarnée.
Dans son éthique, il travaille la mémoire et la posture créative.
Avant de penser formellement, il songe, il observe, il investit son milieu, se cherche des compagnons.
Ses dernières activités visaient justement à mettre en marche quelque chose.
Appelé à créer du mobilier pour des institutions publiques au Portugal ou en Écosse, il a défini une démarche. Laissé libre dans un cadre étranger, il a imaginé se le rendre familier et apprivoiser ceux qui l’habitent pour faire œuvre collective.
À chaque occasion, il fouille. Il interroge ceux qui conservent la mémoire locale, il prospecte sur le vivier artisanal et industriel du lieu, il traque les propriétés des matériaux autochtones, il tente la difficile introspection du caractère indigène.
Après un état des lieux où il a pu intégrer du savoir et humer la mémoire collective régionale, il invite les acteurs à œuvrer à une mission dont il n’est alors plus que le catalyseur, le maître d’ouvrage déguisé en entremetteur des savoir-faire existants. Il catapulte les a-priori, il rassemble les possibles et orchestre la danse.
Au fond, Fabien Cappello écoute, il donne un but commun, une ligne directrice et magnifie les capacités locales en appelant au rassemblement. Il offre ainsi à chacun la possibilité d’œuvrer pour son cadre, de se défaire des guenilles du spectateur et d’agir.
Son travail est davantage un processus, une réflexion sur les aptitudes et les envies d’une communauté. Il rassemble les pensées, les souvenirs, interroge le sens des matières et des gestes et invite chacun à porter un regard neuf sur ce qu’il ne voyait déjà plus. « Ce qui est peu regardé m'intéresse toujours beaucoup plus que ce qui l'est. » assure-t’il.
Dans le projet imaginé pour le Syndrome de Kiruna, il développe une pratique similaire.
Dans une ambition au long cours qui le mène de Sarreguemines à Murano et à Sheffield, il imagine une recherche sur le rapport et l’union incestueuse entre la brique, brute, indigène et les censément vénérables autres pratiques locales.
Convaincu que la brique est incarnation de mémoire, il pose les bases d’une expérience.
À la fois savoir-faire séculaire et niveau zéro de la céramique, la brique est un élément primordial qui lui permet d’interroger un espace et de stimuler les visions.
Conçue à l’échelle de la main humaine, débitrice de techniques archaïques, la brique incarne l’élément fondateur de la construction humaine monumentale.
Unité de base, elle est le tribut des terres locales, des végétaux, des gabarits formels, elle est l’élément constructif le plus partagé du genre humain. Séchée ou cuite, enduite ou jointoyée, moulée ou façonnée, elle unit tous les hommes qui disposent sur la planète d’une terre façonnable. Les habitants de zones désertiques ont dû imaginer d’autres alternatives. De la tente du désert, à la yourte de la steppe jusqu’à l’igloo des zones arctiques, rares sont ceux qui n’ont pas inventé ou réinventé leur « brique ».
Aussi Fabien Cappello se nourrit des briques trouvées localement et initie des recherches d’assemblage, de collage, de composition des briques par un liant lui aussi issu d’une aptitude locale.
Ayant découvert l’omniprésence de la brique dans la construction des ateliers qui l’accueillent, il en conçoit un programme. Il convoque aussi l’histoire du lieu de production et évoque plus généralement l'idée de "l'usine" comme espace, bâtiment, mais aussi comme part de l'organisation de la ville qui l’abrite. Matriochka du tissu construit, la brique est l’élément itéré.
La technique qu’il adopte tente la digestion de la matière du bâtiment pour donner naissance à une nouvelle vision.
Bloc par bloc, il fouille formellement et pousse les limites de l’assemblage, il unit les arts du feu et invite les mondes de la construction et de l'artisanat sur un chemin commun. À l'échelle de l'échantillon il forge des pots, des plats, des centres de table. À celle de la technique de construction, il sonde une forme nouvelle d'architecture, où la ville surgit du four du céramiste et invite le regardeur à créer des liens.
À l’effondrement auto-infligé de Kiruna, il oppose l’autophagie positive, le régime qui puise en lui les appuis de sa mémoire et fonde la novation sur des bases mémorielles.
Urbanisme naturel # César CANET
César CANET (France - né en 1982)
Urbanisme naturel
Plan
150 x 150 cm
2009 - 2010
Kiruna est la ville autophage, la ville au développement contraint, à l’exploitation condamnatrice.
Celle planifiée par César Canet est une ville extensible infinie.
C’est un plan, le plan d’une unité de ville reproductible par accolement.
César Canet imagine une ville sous la lecture d’une contrainte imposée et cachée.
Avec le profit et la globalisation systémique comme principes fondateurs, il imagine une cité à la logique biaisée. Sous le charme de sa structure unitaire rationalisée et enveloppante elle semble exister, mais étendue, elle révèle son embrigadement incontrôlable.
Urbanisme naturel est une ville-unicellulaire à mitose programmée où la molécule/réseau étendue se révèle contaminée par l’expérience et trahit le sombre motif d’un effarement spectaculaire.
Sous l’assertion lumineuse et démembrée du plan, se dissimule sournoisement une logique décadente, la ville existe comme un plan dégénérescent, mais qui s’énonce comme le meilleur.
« Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux » (2) ou comment la tentaculaire vision d’une structure urbaine peut dissimuler, sous les fards de sa rationalité, la source même de son échec latent.
Dans la croissance promise et due des années 1970, la politique du Président Giscard d’Estaing (3) voulût dresser une « France de propriétaires ».
Puisqu’un peu moins de deux cents ans avant on avait érigé la propriété en valeur de prestige, il convenait de faire de ce pays riche de traditions, vitrine d’un art de vivre « à la française » le modèle d’un nouveau genre.
Il convenait surtout de faire oublier les difficultés fâcheuses et autres désastres de l’urbanisation périphérique des années d’après-guerre qui, dans un élan post-corbuséen mal digéré avait empli nos campagnes et autres villégiatures des citadins en zones d’habitats sociaux « cages à lapins» qui devaient sceller pour longtemps l’absence d’ambition de ses promoteurs et la courte vue de nos institutions politiques.
Alors, sur un modèle sourd et univoque issu des quartiers résidentiels d’outre-atlantique, cette France « moderne », « en croissance », partit à la colonisation de ces zones péri-urbaines où devait s’installer ce monde d’entrepreneurs, de propriétaires et accueillir ceux qui comptent !
L’homme moderne escompté se devait de renouer avec la nature dans un cadre approprié, respectueux des bases traditionnelles pour ériger une vie moderne.
Rejetant la responsabilité de l’érection des zones que trente ans plus tard on aimerait à qualifier de « quartiers », et jouant de l’amnésie massive, on s’attela à établir un programme pseudo-critique de l’habitat collectif mis dans un sac commun et on fit de la forme pavillonnaire l’incarnation du rêve foncier et l’outil indispensable d’une émancipation individuelle.
Aujourd’hui, ces banlieues-dortoir, îles dans les villes, sont une métamorphose d’une douloureuse désocialisation, d’une fatale abdication de l’urbanisme à permettre la perméabilité des milieux, des activités, à se faire le terrain de jeu et d’expression d’une humanité habitante.
N’en déplaise à l’arrogance du programme toponymique de l’Allée de l’Emancipation à Pavillon-sous-bois (93320) le constat est celui d’un habitat individualisé, fragmenté, éparpillé. Sous couvert d’une modernité aveuglante grâce à laquelle l’homme néo-rousseauiste devait se reconnecter à la nature nourricière, on récolte le fatras d’une planification qui s’ignore, à l’encontre des contacts humains, des échanges sociaux.
On fait l’inventaire d’une machine inverse au sens de la cité, « l’ individualitarisme » est de mise et le diktat de l’auto-aliénation règne discrètement.
L’expérience urbaine à fait place à la triste pacification sociale passant davantage par la stricte mise à distance de l’autre, la compétition de pelouses tondues et l’homogénéisation galopante des pratiques.
Comme la Cité du soleil de Campanella, ou Utopia de More (4), le plan de César Canet est une ville-réseau, une ville « parfaite » qui se joue de toutes les variables. Elle s’impose et dépasse les contraintes apparentes. Elle semble se jouer des obstacles. Ce lieu qui n’est pas (utopia) mais qui prétend être, est l’énoncé ostentatoire de la croyance en une idéale intégration de l’homme dans son milieu.
L’homme colonise son cadre, il structure ses circulations, il use d’une toponymie qui énonce ses vertus et invente la ville-programme.
Dans cet Urbanisme naturel tous doivent jouir d’une sécurité, d’une liberté, d’une autonomisation raisonnée. Chaque parcelle s’individualise, laisse libre cours à son échelle dans une apparente variété qui dissimule sa gangrène. Ainsi isolées, les parcelles ne permettent pas la connexion, la mise en jeu des interactions urbaines et ruinent l’espoir légitime de l’expérience sociale.
Ici, sous couvert de mixité, on inaugure le mixeur d’une mélasse informe et insensée.
Le calibrage de toutes les relations humaines à l’échelle du plan fige les possibles et contrôle le cœur même de l’expérience. Entendez de la sociabilité urbaine ou de l’urbanité sociale…peu importe.
Si ces cités utopiques veulent irradier de lumière le monde, si certains plans auto-centrés et rayonnants laissent présager symboliquement des attentes « extensionnistes » de leurs inventeurs, si des parois de cristal doivent fournir la vitrine à un monde possible, reste à déterminer qui est le plus conditionné, l’isolé des autres.
Dans ce rapport fondamental à autrui, reste en effet à saisir qui est le fou du clairvoyant.
L’Urbanisme naturel est l’illusion même d’une évolution qui se veut universelle mais qui ne s’autorise qu’à viser la multiplication illimitée du même modèle.
C’est l’Eden perdu, la conquête de la vie par l’ordre. L’instauration d’un système raisonnable dans la nature irraisonnée, la triste inconsistance de l’humain borné à se contraindre, à riposter contre le bouillonnement désordonné et vivant de la nature.
Un système qui cherche l’union artificielle du passé, du présent et de l’avenir, qui se veut mémoire et sujet de son existence quitte à se perdre dans ses désirs démiurgiques.
2. In La société du spectacle, G. Debord, Buchet-Chastel, 1967, n° 9.
3. C’est justement à une formule de V.G.E. que César Canet emprunte le titre antinomique de son projet.
4. La Cité du soleil (Civitas Solis), T. Campanella, vers 1602 & Utopie (Utopia), T. More, vers 1516.
Your text here # Clément GALLET
Clément GALLET (France - né en 1982)
Your text here
Tirage à impression jet d'encre
Montage sur résine acrylique
2010
« Formé » en Suisse aux expérimentations sur la trame et les nuances typographiques, Clément Gallet revient à ses premiers amours dans un projet étrange.
Spéculant sur le concept décalé de Word Art (Microsoft™®), il s’interroge via le terrain de l’attraction/répulsion, sur cet avatar idéologique.
Moquée, cette application qui se propose de permettre à n’importe quel utilisateur d’écrire un mot ou une phrase d’une « façon artistique » est devenue autant l’apanage des plus triviaux habillages commerciaux que l’outil d’un retournement de perspective.
Le modelé des mots a surpassé leur sens et n’est demeuré que la puissance de l’énoncé : le cri du marchand sur sa promotion, le festif et spectaculaire écriteau de mariage (« Nicole & Thierry, au rond-point à droite »), libre à chacun d’y entrer ses mots pour leur donner une autre consistance.
Aujourd’hui dans un mouvement général de récupération, les graphistes s’en emparent et sous couvert d’auto-dérision et de second degré, la forme est repensée.
Anti-matière du graphisme, forme préétablie ad-vitam eternam, ce Word Art (Microsoft™®) est pourtant de plus en plus présent dans le graphisme contemporain.
Comme une douce subversion, il est utilisé pour ce qu’il a d’automatique et de référencé et pour la transgression qu’il incarne.
Clément Gallet sort la méthode W.A. de son cadre et en fait un objet précieux, une impression valorisée en elle-même. Il calque le modèle préconçu et lui donne chair en papier.
Attiré lui-même par cette forme rejetée, il déambule sur le fil indéfini qui sépare le bon du mauvais et se fiche de la distinction moralisante en sacralisant le graphisme impie, l’anti-modèle, la gousse d’ail repoussoir de toute une frange du graphisme occidental de Jan Tschichold à Max Bill.
C’est aussi la matière à une petite parabole qui nous est offerte, mais sur fond d’indignation:
La première moitié du XXe siècle avait vu consacrer l’hégémonie des « x-isme » de toutes espèces (expressionnisme, fauvisme, cubisme), sa seconde partie a entériné, quant à elle, l’avènement des « x Art » (pop art, op art, art conceptuel, art minimal, land art) lui préférant sans doute la façon consacrée de cadrer la chose en un secteur de l’activité humaine que d’aucuns croient séparé.
Si les circonvolutions des « x-ismes » avaient après guerre de lourds relents idéologiques et dogmatiques, il n’est pas interdit d’observer que sa substitution en une nomenclature « x Art » trahit un sens certain du péremptoire.
Ainsi dès qu’un auteur œuvre dans un courant dénommé, le public peut, grâce à cette nomenclature, identifier sa création à son cadre et trouver rapidement l’assurance qu’il se trouve bien en présence d’Art !
L’art du dogme est venu affranchir les beaux esprits moraux de leur dogmatisme.
Depuis lors et dans un mouvement ininterrompu de l’effarement occidental, le moralisme le plus normatif est venu niveler les capacités d’observation et de mise en perspective de générations entières.
Élevés dans la conviction d’un ordre suprême de la création où la révolution de mai 68 et un flot progressiste infaillible avait « libéralisé » toute la vie, des « citoyens libre-penseurs » vénèrent aujourd’hui un sur-monde. Un monde fleuri, personnalisable, au-delà du monde matériel, un monde idolâtré et prétendument clairvoyant.
C’est pour nous un monde mental s’acclimatant trop facilement de cette absurde séparation tricéphale des activités humaines :
Travail(=besoin)/Loisirs(=divertissement)/Art (= sacré).
Un monde sans mémoire et sans capacité de projection voyant en toute chose une monosémie, un élément nettement lisible, réductible et identifiable. Le corollaire de cette incapacité à lire la vie.
C’est à ce niveau de l’histoire qu’entre à nouveau en jeu le Word Art (Microsoft™®), dernier-né, vous le comprenez, d’un flux de grande ascendance.
Sous ce nom, d’apparence badine, donné par ses créateurs à ce système prédéfini d’« écriture artistique », ce qui est esquissé est un véritable programme.
Si d’aucuns croyaient encore que la valeur du mot était dans sa signification, son utilisation, sa stylisation, son dessin ou sa sonorité, ils n’avaient pas compris que c’est dorénavant potentiellement la stricte apparence formelle d’un mot qui serait capable de lui donner en priorité sa vraie dimension!
Le Word art devrait légitimer chacun dans un champ où nos émotions auparavant si difficiles à exprimer trouvent « un allié sincère et direct », une plastique préconçue apte à exprimer davantage le sens du mot…que le mot lui même, une conceptualisation de concept !
Dans une société où l’accent est mis sur la sphère de l’apparence, ce programme sonne comme une triste consécration et ses promoteurs doivent espérer que sous l’automatisme formel disparaisse, comme un soulagement, la complexité de nos visions, pollution déjà oubliée du petit univers perméable des consciences d’un autre temps.
Ouf ! (soulagement)
- # Erik de LAURENS
Erik de LAURENS (France - né en 1983)
-
Étui en feutrine de cheveux
2010
« Quand le peigne est trop fin, il arrache les cheveux ». (5)
Erik de Laurens, lui, ne s’est pas contraint. Il a contourné les implications du Syndrome de Kiruna et a écumé les routes d’Angleterre, de France et d’Inde fuyant un discours qui devait le rattraper malgré lui.
Obligé par son parcours de designer, il a pensé en matiériste littéral et s’est accroché à un matériau singulier : le cheveu.
Du bon sauvage hirsute à la figure romantique de l’artiste, le cheveu est un symbole, autant un uniforme intégré que l’objet d’une mémoire.
Dans la culture populaire occidentale, il a une vertu sémiologique, il est un signe extérieur de distinction sociale. Des romantiques allemands aux modes codées de la seconde moitié du XXe siècle, il a presque formalisé la distance entre les conventions sociales et une position de marginalisation.
Longtemps objet de petits scandales, il a incarné au XXe siècle la façade flagrante d’un retour à la nature beat et hippie avant de devenir comme souvent l’objet d’une récupération référencée et réduite à son immédiate assimilation.
Du rejet d’un système par le doux abandon et la mise en quarantaine chez les tenants du hippisme californien de la fin des années 1960, le cheveu est devenu, presque à contrario chez les punks, un objet aiguisé postulant une prise de distance sociale moins débitrice de la figure romantique.
Aujourd’hui la récupération a fini sa digestion et les cheveux longs sont davantage l’objet d’un encanaillement sur les parterres lycéens de l’ouest parisien que l’outil physique d’une revendication sociale.
Ailleurs dans le monde, le cheveu est toujours l’objet de culte et de fascination comme en Inde où la coupe des cheveux en offrande divine sert autant un rite purificateur qu’un marché récupérateur de ces reliques « saintes » pour les extensions des femmes occidentales.
Mais chez Erik de Laurens, le cheveu est aussi la matière d’une mémoire. Son travail est régulièrement marqué par un scientisme qui lui donne matière à réflexion.
Ici avec son projet, il avoue chercher à créer un hiatus entre un matériau archaïque et l’ « i-objet » phare d’une société technologique et consommatrice.
Le cheveu, matériau naturel et disponible en masse, s’est aujourd’hui fait discret dans ses utilisations.
Si des sociétés du XIXe siècle en avaient fait un objet d’attachement symbolique, une émanation reliquaire d’un être cher ou disparu, le XXe siècle à lui mis au rebus cette manne organique. Des boucles chèrement conservées, des bracelets tissés des cheveux d’un proche, nous avons fait un objet de rejet. Et d’objet intime cultuel, le cheveu est passé au statut prosaïque de quasi-sécrétion naturelle, support esthétique aux modes, cantonné à la sphère publique. Il n’a que faiblement survécu à l’hygiénisme « vingtièmiste » et le traumatisme télégénique des tas de cheveux des personnes anéanties dans les camps d’extermination nazis a achevé de bloquer le regard de l’humain sur sa ré-utilisation.
Au contraire, l’occident du XXe siècle a fait du cheveu l’outil indépendant de notre mémoire. Il s’est révélé la base de stockage d’informations génétiques et environnementales. Son analyse est aujourd’hui capable de nous informer aussi bien de notre ADN que de lister nos pratiques hallucinatoires.
Le cheveu utilisé par Erik de Laurens est outil de mémoire. Si nos visions ont changé au gré des modifications de perspectives, il n’en reste pas moins que l’élément organique a toujours recélé en lui la matière à notre attention.
Transformé en étui, il est surtout l’enrobage archaïsant d’un instrument dont certains ont voulu faire une mémoire artificielle et prothétique de l’homme technologique.
Sous sa carapace demeure malgré tout le pouvoir sensoriel de l’individu et le cheveu réveille ses sens lorsque penché sur l’autre il le supplie …« Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs. » (6)
5. Proverbe populaire chinois.
6. Un Hémisphère dans une chevelure in Petits poèmes en prose ou Le Spleen de Paris (1862), Charles Baudelaire.
Hors champs # Laetitia de LAURENS
Laetitia de LAURENS (France - née en 1983)
Hors-champs
Installation
2010
Rappelez-vous, séance de coloriage.
À gauche, un modèle à reproduire, un cerne plein et clair, des zones délimitées de couleurs formant une image.
À droite, la reproduction trait pour trait mais les couleurs absentes.
Cet exercice enfantin a alimenté notre enfance ; il est, après les premiers traits autonomes et avant l’assimilation d’un canon, la liaison entre deux cadres.
Un dessin d’enfant est un test. Les parents attendris observent et jaugent la véracité des visions de l’enfant. Sa crédibilité et sa technique, sa capacité à représenter le monde.
Enorgueillis des succès de leurs pupilles, ils valorisent le tracé, le sujet choisi et la « ressemblance ! ».
Si ces dessins révèlent pour certains une pureté stylistique, s’ils doivent composer une trace, avidement collectée des gestes de l’individu, ils n’en sont pourtant presque jamais une expression libre.
Dès son plus jeune âge, l’interprétation du réel par l’enfant est calibrée et normée par le regard que les « adultes » posent sur lui. Il n’est pas davantage d’innocence chez l’enfant en cette matière, que dans la capacité du chien à faire le beau pour son maître.
Évidemment, la confrontation au regard de l’autre est partie intégrante de l’éducation, mais elle annihile aussi dans l’œuf les propositions créatrices de l’humain et avant qu’un enfant ne sache parfois parler, il est déjà victime en ce domaine des ressorts castrateurs de l’expression attendue.
Sans que cela soit perçu comme un cadre, aussitôt que le regard d’autrui se pose sur la création, cette dernière cesse d’être autonome, et existe face à autrui. Elle communique et s’impose dans ce rapport à l’autre.
Pour apprendre à apprivoiser l’autre, pour vivre dans une société, ce passage normatif est sans doute nécessaire, mais dans la petite enfance sont atrophiés pour longtemps le geste libre et l’expression corporelle primordiale.
L’expression du regard de l’enfant est différée à l’incertaine expérience -à « maturité »- d’une mise à distance des cadres.
Rousseau dans Emile s’insurgeait déjà : « Conduisez l’enfant jusqu’à sa douzième année, sans qu’il puisse distinguer sa main droite de sa main gauche. Ses yeux s’ouvriront d’autant plus vite à la raison, lorsque le temps sera venu ! Laissez-le grandir sans préjugés, sans habitudes et sans connaissances !» (7)
Laetitia de Laurens pousse ce questionnement à une autre échelle et pour apostropher le regardeur, elle détourne ces cahiers de coloriage qui ont parsemé notre enfance.
Cet exercice supposé structurer la pensée de l’enfant et lui faire prendre conscience de l’association de couleurs et de formes dans la nature, est ici travesti en un exercice métaphorique.
Les sujets choisis sont autant de résonances aux rapports fallacieux de cause à effet de nos sociétés et qui inoculés, formatent le parcours d’une existence, calibrent nos sentiments et cadrent nos rapports au possible.
Outil de mémoire, cette pratique du coloriage place chacun face au miroir rétrospectif de sa construction personnelle.
Des choix effectués, des chemins empruntés, des relations créées, dans quelle mesure sommes-nous débiteurs ou contraints par des cadres ?
Quelle adhésion à ces cadres avons-nous avalisée ? Plus généralement quelle part de nous mêmes avons nous corrompue par amnésie ?
Il nous semble en somme, que le changement de perspective peut seul laisser sentir que chaque réaction est subordonnée à un mode prédéfini, culturellement, socialement ou économiquement.
« Tout le monde croit que les choses s’arrêtent quelque part. Mais pas du tout.(…)Si les choses semblent s’arrêter quelque part, c’est tout simplement parce que la plupart des gens ne savent pas les regarder autrement (…) mais ça ne veut pas dire qu’elles s’arrêtent. » (8)
Celui qui déborde des lignes mérite-il les regards compassés de ses proches où incarne-t-il une prise en main moins débitrice des cadres « pré-pensés » ?
Ces interrogations doivent renaître, car elles n’auraient jamais dû subir la constriction imposée.
La dessinatrice situe l’exercice et invite chacun au retour sur soi pour mieux se confronter aux autres et comprendre qu’au-delà des cadres il existe un ailleurs fait aussi de sentiments et de sensations.
7. In Emile ou de l’éducation, J.J. Rousseau, 1762.
8. In Teddy, in Nouvelles (nine stories), J.D. Salinger, Le livre de poche, 1966, p. 244
Je ne me souviens plus très bien # Léo BERNE
Léo BERNE (né en 1979)
Je ne me souviens plus très bien
Valise, tirages photographiques lambdas
1997– 2010 (réalisation 2010)
Depuis 2007, Léo Berne compose sur Internet un journal « autobiographique » photographique. Il capte des lieux, des gens, des choses qui l’entourent et motivent librement son envie.
Au gré de son quotidien, il fixe ses perceptions, ses déplacements dans une démarche affranchie de tout processus défini.
À rythme irrégulier, il montre sur son site, des instants de vie hiérarchisés, pour la plupart non légendés, et les expose selon une simple chronologie.
Cette apparente nonchalance est contredite par les possibilités du regardeur de classer cet ensemble par catégories, thématique ou spatiale.
Selon que le regardeur soit ou non une relation de Léo, la matière qu’il découvre s’offre comme une compilation, une galerie d’activités où les visages communs s’alignent ou comme l’écho distendu de la vie matérielle d’un parfait étranger.
Un tiers à cette vie serait même à mal de distinguer le filtre tangible de l’auteur. Celui-ci se montre peu et s’il le fait, il le précise rarement et apparaît comme un portraituré parmi d’autres. L’histoire qu’il n’a pas l’ambition de raconter demeure néanmoins la sienne.
Le cœur de cette entreprise est de montrer selon un cadre choisi, celui même qui a motivé la prise de vue et qui en premier lieu se crée ou s’impose au regard de son auteur.
Aujourd’hui, Léo Berne propose une nouvelle lecture de son travail.
Dans une valise, il a placé la quasi intégralité des clichés qui compose son site jusqu’à mars 2010.
Ce tas est enfin librement manipulable, libéré de son support immatériel et des nomenclatures qu’il impose.
Chacun peut y glisser les doigts et s’emparer pour un temps d’une vision orpheline, s’interroger sur la valeur de ce bagage personnel.
En un lieu réduit s’agglomèrent les traces de plusieurs années. Rien n’a changé, c’est toujours lui qui se livre dans une mesure qu’il croit décider. En revanche dans cette présentation déconstruite, chacun est libre de composer. Il livre brute la matière de son exercice et cette profusion exhorte le regardeur rendu voyeur à s’interroger sur la valeur et l’usage de cette mémoire incarnée.
Cette matérialisation inaugure un drôle de lieu. Celui d’un ersatz de mémoire figurée, compilée, fragmentée et concentrée en un même lieu.
La mémoire est le siège de la pensée, elle est l’attribut qui permet le passage de l’homme sentant à l’homme pensant. Elle est un ordonnancement de nos pensées passées, de nos sentiments éprouvés, elle est une matière en bouillonnement, elle est la fondation de l’expérience.
Elle est surtout une utopie irréductible, un « lieu qui n’est pas », un « lieu rêvé » qui permet de substituer le possible au réel. Un stockage spirituel d’une vie incarnée.
La mémoire est aussi l’alibi de l’homme, elle est une force impalpable dont l’ordonnancement mystérieux nous échappe mais qui forme la nourriture émotionnelle véritable.
En simulant un réceptacle prosaïquement matériel de ces expériences, Léo Berne interroge nos besoins d’emprise sur ce flux. La mémoire est opaque, elle ne se laisse pas structurer, ne se borne pas et ne se situe pas.
Je ne me souviens plus très bien est en fait une tentative « pathétique » de compiler ces instants d’une vie, de suppléer une mémoire insaisissable, une jambe de bois pour une hydre omnisciente qui libère au compte-goutte ses subtilités.
Certaines voies de la pensée occidentale ont ainsi délimité dans le temps matérialisé, dans la hiérarchie présent / passé & futur, le cadre de la vie humaine, laissant croire que l’individu doit se jouer du temps qui passe, se construire un passé pour défier l’angoisse du futur.
Cette fuite face à la vie a alimenté notre existence séparée, nos inventaires et catalogues, elle influe même le sens donné à la culture comme création artificielle.
En ce sens, au-delà de leurs vertus médiatrices, « les arts » trahissent des tentatives désespérées de figer la sensation et le sentiment vécu.
Effrayés de l’inféodation (ou de l’autonomie ?) de notre mémoire, aux tristes conditions du réel, nous lui en aurions substitué une autre plus manipulable, plus apte à défier l’instantanéité de la vie, comme auxiliaire inventé par les hommes à l’archivage du vécu.
Effrayés tout autant par son caractère solitaire, nous avons dessiné les succédanées de nos envies, nous avons pallié ce besoin philanthropique de communiquer et inventé le criblage des songes.
Le mystère demeure intact. Et si par ce chemin, nous avons compromis pour longtemps la nature unifiée de la vie et de l’art, pour faire de l’art un divertissement aux conditions de la vie, c’est peut-être que nous étions incapables de mieux.
Alors, comme un rappel du langage à nos cœurs, à la « nature morte » française, les anglophones ont préféré le terme « still life ». Ce que les uns voient comme la fixation d’une forme sans vie, les autres y voient l’inscription dans une pérennité à velléité éternelle.
Ces fixations ancrées du temporaire forment la défense de l’homme à sa mortalité. Elles donnent comme Léo Berne, une existence dans le réel aux bribes d’un réservoir impalpable et mortel.
Une manière de dire, au fond, que la maigre survivance de notre mémoire est tributaire de celle(s) des autres.
Graphisme # Clément GALLET & Mathieu MEYER
Clément GALLET (France - né en 1982) et Mathieu MEYER (France - né en 1982)
Affiche, flyer et communication visuelle de l'exposition
2010
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Une autre lecture: L’usage perdu de nos sens
Mais qui est donc cette « génération néant » ?
C’est la nôtre, celle de nos parents et des leurs avant eux et vraisemblablement celle que formera nos enfants.
C’est cette masse humaine, victime du mode de vie parasite de son espèce, qui n’aspire à d’autre salut que la fuite. Cette pâle humanité désorientée à un point tel, qu’elle imagine les solutions de sa fuite avant de prendre la mesure de la nature providentielle d’une question.
Les générations de 1968 et 1978 font ici seulement figures d’exemple.
Les premiers ont grandi dans la toute neuve opulence de l’après-guerre, découvrant en même temps que le langage des mots celui de la consommation, apprenant que leur bonheur sera indexé sur l’état du monde occidental, que la prospérité économique du modèle auquel ils appartiennent et doivent souscrire, sera le garant de leur propre existence. Ils demeureront libres et forcement désireux de consommer les outils nécessaires à leur bonheur !
Certains ont hourdi que cette fausse réalité pouvait être ébranlée par une déconstruction du système sociétal et l’avènement de pensées nouvelles, intégrées à la vie, par lesquelles l’existence serait rythmée.
De ce renouveau humaniste, la pensée conformiste et son système récupérateur ont englouti les velléités, laissant en 1968 un monde aux apparentes valeurs bourgeoises ébranlées mais à l’assise libérale bien ancrée.
Alors leurs cadets de 1977-78 entrent en scène, punks, anarchistes, consciences éveillées, ils interrogent à nouveau le possible.
En s’appuyant sur une mémoire, vive et incarnée, des enjeux qui se sont offerts à leurs aînés, ils abhorrent le système qui les cadre.
Écœurés du chemin parcouru à rebours, de la discrète mais efficiente consécration de la veste réversible, ils crient leur défiance nihiliste d’un contrat social vicié et amnésique de ses promesses. Ils huent ce dogme camouflé qui a érigé en sacro-sainte valeurs fondamentales la valeur d’échange et l’ostensible.
Comment aujourd’hui ne pas comprendre leur négation d’appartenance à ce monde-là ?
Pourtant cette révolution intellectuelle, ils la menèrent trop peu nombreux, à la marge, la masse s’étant alors, fidèle à la coutume, rangée deux par deux dans le couloir…
Reste, que rien n’a changé et que les suivants/suiveurs que nous sommes n’ont plus ni l’exigence morale d’ouvrir les yeux ni l’âme combattante de leurs aînés, trop assimilés au cadre qui nous a vu grandir -à défaut de nous avoir élevés.
Les vertus cardinales n’ont pas changé et chacun s’en accommode trop bien.
Pouvons-nous accepter comme un caractère ontologique cette amnésie humaine dévorante contre laquelle une poignée s’est dressée avec ardeur ?
Il nous semble au contraire que se justifie dans la relation de l’homme à son espace, cette nécessaire reconnaissance d’une animalité et que devrait s’imposer l’idée d’un instinct partagé en constante création.
Comment nous sommes nous déconnectés des postures qui nous éviteraient d’alimenter un système de pensée avilissant et éculé ?
C’est le Syndrome de Kiruna. La consommation autophage. La Babel en carton. L’aveuglement face au jardin d’Éden que l’on veut reconquérir.
À quasiment théoriser l’art de fuir, aveuglé par l’idée qu’existe une ligne directrice inflexible que l’on nomme Progrès, à trop considérer l’histoire en une succession d’événements emboîtés, on en ignore les voies, les transformations discrètes, polyvoques, qui forment le terreau des branches qui nourrissent une pensée. La mémoire croit devoir devenir Histoire, elle est pur instrument.
L’humain peut-il ignorer que c’est dans l’interlude au-delà des corps que naissent et se développent les possibles fondements d’un renouvellement?
La pensée ne peut exister dans une civilisation de l’oubli, de la négation et de l’abdication des possibles.
Il nous faut nous réinventer.
Interroger ce qui fût, contester ce qui est, pour comprendre ce qui est en mutation, se souvenir pour imaginer.
Le renouvellement de la pensée est illimité, il est l’art de l’existence, le moteur de la vie.
La découverte est partout, la matière à penser est là pour qui sait sortir des cadres qui enserrent nos visions et formatent nos perceptions.
Il reste à chacun une éthique de la pensée : sa conscience.
La conscience comme attribut d’une mise en question.
C’est un potentiel sans fin, que vient éclairer l’amour, la cohérence au milieu naturel, l’envie d’un vivre ensemble, et le questionnement permanent sur notre cheminement.
La mémoire est cette intégration et elle assure le dépassement de la vie réelle.
La vie n’existe que parce que nous l’éprouvons et l’art, cette matière à penser autrement, cette euristique de l’existence, exprime cette disposition universelle à redécouvrir, à changer de vision, pour s’atteler chaque instant à la remise en question de ce qui semble être.
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Pour en savoir plus sur les participant.e.s aujourd'hui
Alexandra BAUDINAULT
Léo BERNE
César CANET
Fabien CAPPELLO
Joseph DEBRUYN
Eli DURST
Clément GALLET
Laetitia de LAURENS
Erik de LAURENS
Mathieu MEYER
Olivier SÉVÈRE
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Je remercie de tout cœur les participant.e.s à ce projet ainsi que celles et ceux sans qui il n'aurait jamais pu voir le jour: Clémence, Norman Halard, Jean-Louis Gaillemin, Mathieu Meyer et Clément Gallet pour leur aide si précieuse, mes ami.e.s et vous, lecteur et lectrices qui arrivez jusqu'à cette ligne.
Jean-Louis Gaillemin, Variante Club 7, 1977