la galerie stimmung mène des activités de recherche dont elle publie régulièrement les fruits ici.
En parallèle, depuis 2016, nous imaginons des cours à l’Université ouverte de Paris 8 Vincennes - Saint-Denis.
Ces cours hebdomadaires s'imaginent comme une première rencontre avec l'histoire de l'art afin de comprendre que l'art est d'abord le monde vu à travers un tempérament comme disait Emile Zola.
Une position d'où l'on pense et d'où l'on regarde.
Car, comme le dit Jacques Rancière, celui qui regarde est celui qui cherche à saisir la puissance dans l'invisible.
La période chronologique abordée -en apparence décalée des préoccupations de la galerie- offre au contraire une opportunité de questionner plus largement ce qui fonde l'art, et ce qui traverse les vies qui l'animent.
Nous reproduisons ci-dessous un court texte personnel, rédigé en d'autres lieux, susceptible d'éclairer ce qui anime les rapports entre les activités de la galerie et cet engagement universitaire:
Quelle(s) recherche(s) ?
"Mes recherches et mes perspectives de recherche se lovent au cœur de l'artisanat et de l'art, en des espaces capables de faire partager une certaine attention aux gestes et au temps, et de dire une volonté de réappropriation de savoir-faire divers. À travers eux apparaît l'intuition de ce que serait une vie plus indépendante des logiques de contrôle et de profit.
J'enquête de longue date sur des constellations d’artistes ayant fait conspirer les actes et la pensée pour imaginer une vie intense dont ils furent à la fois les habitants et les artisans. Cette enquête est guidée par l'idée que l'aura de leurs œuvres dévoile les sens trop oubliés des formes prises par la vie. Peut-être est-ce pour cela qu'avec d'autres on peut dire que nous avons tant besoin de ceux qui nous rappellent à la réalité véritable - les poètes, les musiciens, les philosophes, les artistes, les dramaturges, les esprits sensibles, les témoins du geste.
Des recherches sur ces figures, ces œuvres, ces mouvances dessinent aussi des manières de vivre quelque part.
Leurs histoires ne sont jamais la même histoire et pourtant cela raconte une seule histoire: celle de ceux qui ont le temps de questionner et de mener une vie quotidienne, où s’accroissent une puissance et un devenir-sensible. Une histoire au cœur de laquelle se dessinent des positions qui résonnent encore aujourd'hui d'échos puissants.
Ces artistes clairvoyants convoquent certaines voix trop oubliées pour questionner le sens de l'art: guildes médiévales, philosophie du quotidien chère à la mouvance Arts & Crafts, nouvelles lectures de l'ethnographie, philosophie politique et révolutionnaire.
Ils savent que l'art dans son étymologie -ars- signifie « composition, assemblage, combinaison ». Quelque chose qui donne à saisir une coexistence entre les vivants et les choses.
Ils délaissent en partie les manières de faire propres à toute pensée académique pour plonger vers d'autres expressions. Ils ressentent un lieu comme un outil de vérité. Un garde-fou à la triche du discours, là où viennent buter l'urbanité et le besoin de distinction.
Ils veulent œuvrer, c'est-à-dire qualifier leur vie dans un faire, un comment-faire quelque part.
Alors l'art, dans ces vies qui l'animent, cesse d'être affaire de production matérielle pour devenir la magie de faire exister différemment le monde.
Et à les regarder, d’emblée nous sommes frappés par la profonde expressivité d’un monde parcouru de signes intenses: cris, couleurs, mouvements, formes, motifs. C'est qu'alors l'art dit un regard sur le monde, il fait des choses qui incarnent la position d'où l'on contemple. Un tableau, une sculpture, un pot, un tissage sont des expressions d'une position.Hiérarchiser ces choses serait vain, idiot même, car au fond, l'horizon d'une pratique est toujours son inscription dans la vie.
Ce qui rassemble ces œuvres, c'est le souci de concevoir une vie en harmonie entre son faire et son être.
Pour nous qui les toisons à distance, ils sont une entrée comme une autre vers la matière de ce qui constitue une vie. La matière d'un autre possible commun pour les choses et les êtres.Cela engage une méthode. Pas tant pour aboutir à une fin mais pour éprouver à cette occasion le sens de quelques questions qui taraudent ce/ceux que nous sommes. De quoi sont faites nos vies ? Quelles sont les formes d'une existence ? Comment nos existence sont-elles traversées pour que s'y dessinent les formes de nos vies ? Que disent ces manières d'être de l'être ?
Lorsque l’on enquête sur un passé très récent, non sanctuarisé dans l'écrit, le champ de recherche ressemble à s'y méprendre à une archéologie. Les traces semblent infimes, le terrain parfois amnésique, mais toujours demeure quelque part, vivace, le sens du temps vécu, ça et là il ressurgit sans crier gare, il donne à sentir, à entendre.
À penser surtout.
C'est que la mémoire des vies est parfois tenace et sonder un passé du faire, c'est souvent aussi spéculer, peser des intuitions et questionner les formes qui demeurent et ce que nous disent leurs usages. C'est aussi aller à la rencontre de l'épaisseur de la vie, chercher à comprendre l'articulation d'un ici et d'un maintenant, le passage entre un avant et un présent, saisir des agencements, des stratégies et à peu près toujours hourdir que c'est dans la densité du vécu que les sensations peuvent exposer leur vérité: de quoi elles sont faites et ce qu'elles nous font."
Augustin DAVID
Les séances se tiennent à l'Université Paris 8 à Saint-Denis, les vendredis matins de 9h à 12h en Amphithéâtre Y durant l'année universitaire.
Vous êtes les bienvenu.e.s.