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Mado Jolain, la nature de la beauté..Mado Jolain, beauty's nature

Focus

Nous apprenons, avec émotion, la disparition de Mado Jolain ce 13 décembre 2019.
Nos pensées accompagnent ses proches.

Nous remettons en avant, notre focus de 2015 qui tentait de dire l'importance de cette artiste au travers de deux œuvres rares de sa série «Jardin» réalisées vers 1960.

Dans sa préface à l'importante exposition qu'il organise en 2000, Patrick Favardin écrit « L'image d'une époque se bâtit bien souvent à travers quelques figures emblématiques. Elles surgissent du passé et s'imposent sur le devant de la scène pour mieux nous parler de nous-mêmes et justifier nos engouements les moins acceptables. Cette sélection ne doit pas nous faire oublier des œuvres plus discrètes, plus rares. Elles flottent dans notre mémoire, comme un parfum mystérieux, qui se serait imposé à nous, à notre insu, au grès de nos lectures, le nôtre porte un joli nom et c'est celui d'une femme. Il s'appelle Mado Jolain.»

Depuis lors et malgré la singularité de sa manière, Mado Jolain est devenue l'une de ces figures emblématiques. Son travail d'une richesse encore à peine mesurée mérite notre attention car parmi le foisonnement de l'après-guerre, elle est l'une des personnalités qui ont œuvré le plus sincèrement à un art du quotidien.
Si sa rencontre avec la pensée du britannique Bernard Leach et avec le géant nippon Shoji Hamada en est déjà un écho évocateur, il convient de la resituer dans sa singularité dans le paysage français d'alors.
Mado Jolain convoque le sens du geste quotidien. Loin d’arrêter sa course à un fonctionnalisme de bon aloi, elle interroge nos habitudes et nos postures pour renouveler toujours la vigueur de l'expérience artistique quotidienne. Ce rapport au quotidien, elle le partage avec l'avant-garde révolutionnaire qui cherche à réaliser l'union de la vie et de l'art au travers d'une saveur à retrouver dans des situations où le banal est porté au sublime.

Mado Jolain est née à Paris en 1921. Sous l’Occupation, elle intègre l’École des Arts Décoratifs de Paris et les ateliers de dessin et sculpture de la Grande Chaumière. Elle y fait la connaissance de son futur mari, René Legrand. Sensibilisée par l’engouement pour la céramique qui a commencé avant la guerre, Mado Jolain réalise ses premiers essais de potière dans le four d’un atelier de céramique utilitaire, rue d’Alésia.

En 1946, Mado Jolain et René Legrand se marient et emménagent à Montrouge où René installe son atelier de peinture. L’atelier de céramique n’est pas loin, dans le 14ème arrondissement. René Legrand tourne leurs premières pièces. L’art populaire, très en vogue dans les arts décoratifs de l’après-guerre, est pour eux une grande source d’inspiration. Ils visitent le musée de Dijon et le musée d’art et traditions populaires où ils apprécient les formes des poteries utilitaires.

En 1948, des créations de l’atelier Mado Jolain sont exposées pour la première fois au Salon des Ateliers d’Art décoratif et à L’objet 1948, une exposition qui fait date après la guerre, organisée à la Galerie Denise Breteau, rue Bonaparte à Paris. 
En 1950, l’atelier de céramique Mado Jolain emménage à son tour à Montrouge. René Legrand se consacrant de plus en plus à la peinture, Klaus Schultze lui succède au tournage des créations de l’atelier de céramique jusqu’en 1956. Toute la production de l’Atelier Mado Jolain est tournée, puis travaillée, développée de différentes manières, à partir de formes tournées. Membre de la chambre syndicale des Céramistes et Ateliers de France, présente à tous les Salons des Ateliers d’Art Décoratif, Mado Jolain y fréquente les autres céramistes de son époque : Jacques Blin, président de la chambre syndicale, Fernand Lacaf, Roger Capron, Robert Deblander, Pol Chambost, Les Argonautes, Norbert et Jeanne Pierlot, Jean et Jacqueline Lerat. Elle crée essentiellement de la céramique pour la maison et la table avec des décors émaillés de plus en plus stylisés au fil des années. 
En 1955 Denise Majorel organise une exposition Mado Jolain dans sa Galerie La Demeure-Rive gauche, Place Saint-André-des-Arts. Les céramiques Mado Jolain sont diffusées dans les magasins de décoration et d’arts de la table mais aussi à la boutique Primavera du Printemps animée par Colette Guéden. 


En 1958, Mado Jolain s’installe avec sa famille et l’atelier de céramique sur les bords de la Marne, à Champigny. Sa céramique évolue vers des modèles pour le jardin, la terrasse, émaillés ou en terre cuite naturelle. Les formes s’épurent, gagnent en force, l’émaillage s’unifie, les stries et perforations deviennent les seuls décors réalisés sur les pièces après tournage. 
Parmi les tourneurs qui collaboreront dans ce lieu avec Mado Jolain, Michel Lanos est celui qui est resté le plus longtemps et qui a participé à la création des séries de cache-pots.


L’intérêt pour le jardin entraîne Mado Jolain à étudier le théâtre de la nature, la structure des formes botaniques, leur manière de capter la lumière, de composer un spectacle. Des formes apparaissent: bâtonnets, pointillés, sphères, lignes. Elle imagine des fleurs de terre d’une taille hors nature pensées comme éléments de surprise poétique dans les jardins. Sans copier les fleurs, elles les suggèrent par leur structure. Certaines seront comme des cloches posées, d’autres comme des coupoles, des sphères, des cônes, des boutons, des épis de faîtage. Ce sont des présences ornementales abstraites jouant avec la lumière au milieu des plantes.

En 1964, Mado Jolain effectue un voyage au Japon où elle visitera l’atelier de Shoji Hamada, et en Angleterre sur les traces de Bernard Leach. Malgré ces visites aux Maîtres de la céramique d’après-guerre, Mado Jolain restera inspirée principalement par les recherches des grands architectes comme Le Corbusier, Jean Prouvé, Alvar Aalto. 
En 1963, elle expose ses céramiques de jardin à la Galerie du Siècle à Saint-Germain-des-Prés. Avec la céramique de jardin, Mado Jolain se dirige vers des créations plus monumentales.

En 1963, elle réalise un mur en claustra pour les serres d'Auteuil sur une commande de Daniel Collin, architecte-paysagiste à la Direction des jardins de la ville de Paris.
 En 1966 son exposition la galerie Folklore à Lyon sera la dernière de son activité de céramiste qui s’arrête en 1970.

À propos de la série «Jardin», voici un extrait d'un article de Madeleine Gaume pour les Cahiers de la céramique, du verre et des arts du feu publié dans le n°32 de 1963:

«Il est tout indiqué de rendre visite à Mado Jolain au printemps ; c'est la saison qu'elle avait choisie pour présenter en 1963 à la galerie du siècle toute son œuvre consacrée au décor du jardin et de l'intérieur moderne.

Nous connaissions déjà ses créations ; nous les avons retrouvées en un ensemble plein de fraîcheur et de charme.

Recouverts d'un émail jaune-vert, voici toute une gamme de jardinières et de cache-pots, tout simples, tout droits, unis ou ajourés ou encore, dans un même esprit, un grand siège cylindrique légèrement modelé, qui est une invitation à s'asseoir.

Puis ce sont, destinés à recevoir une tige fleurie, les jolis grands pots, les grands vases aux belles proportions, à la ligne sobre et aussi cette large coupe légèrement incurvée ; tout cela émaillé de blanc mat que la terre, en transparence, teinte légèrement de rose.

Une autre tonalité : le rouge orange brillant, sur fond d'oxydes joue des hasards du tournage ; il s’adapte parfaitement aux formes des vases ovoïdes au profil aplati ou à d'autres plus élancés ; également à ces «dames-jeannes» dont la moitié supérieure est un fort amusant vase et dont l'autre moitié s'emboîte à la première constituant une jatte ou un rafraîchissoir, avec, toujours, l'élégance du col étroit.

Le décor de la maison et du jardin n'exclut pas les éléments de cloisonnements, ici d'une variété infinie ; symétriques ou non, de terre brute ou parfois légèrement émaillés, que de fantaisies ils permettent !

Quelles possibilités de réaliser de charmantes et légères murettes !

Incorporées au ciment, ces éléments deviennent de ravissants panneaux qu'un éclairage extérieur rend encore plus intimes.

Le sol n'est pas oublié. Finis, les carreaux régulièrement découpés ! Mado Jolain nous propose des disques de différents diamètres dont la surface révèle un mouvement tournant. A vous de les placer suivant votre imagination.
Mado Jolain met la céramique au service de la nature ; peut-on rêver plus joli rôle?»

(Nous remercions vivement les animateurs du site madojolain.fr pour l'usage facilité de leurs riches sources textuelles et iconographiques.)

Augustin DAVID, décembre deux mille quinze

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